Souffle Mots

Dans le reflet d’une image

22nd décembre 2014

Dans le reflet d’une image

Salut !

Jacky m’a fait remarquer récemment que ça faisait longtemps que je n’avais pas posté sur mon site, et pour cause !

Je vous présente alors aujourd’hui un texte écrit l’année dernière, en fin d’année scolaire vers les vacances de Pâque je suppose mais je n’en suis pas très sure. Il est assez abstrait par moment, j’espère ne pas vous perdre ^^ sinon n’hésitez pas à me demander des explications !

J’en profite pour vous souhaiter un Joyeux Noël et une Bonne année.

Bye et bonne lecture.

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Dans le reflet d’une image

Lorsque les personnages naquirent ils étaient comme des nuages dont les contours encore flous, ne demandent qu’à être façonnés par le vent. Alors doucement le murmure des lèvres modelait leur visage pour dessiner l’histoire d’une femme-papillon et d’un Prince au château de sable, d’un ange veillant sur eux et d’une plume amoureuse. Les fleuves et les ruisseaux, sur le grève toujours se rejoignent et un gravier dans leur sein peut assécher l’océan. Ce soir là la pierre avait la taille de mon poing.

***

Sur son nuage un ange pleurait, enroulé dans ses ailes pour ne plus voir la lumière du jour. Il pleurait comme sonne le tonnerre dans la nuit. Je ne sais plus d’où venait ses larmes : il était de ses lacs qui se gorgent de la pluie des moussons avant de sortir un jour de leur lit. Caché sous ses plumes de nacre son corps tremblait, petit oisillon se débattant dans la gangue de sa coquille. Tout avait commencé par l’onde d’un galet à la surface de l’eau, un détail ; par une plume tombée du ciel entre les mains d’un enfant. Seules quelques années séparent le frémissement de l’eau de la vague. Se levant soudain, les ailes à moitié repliées et le dos voûté, il saisit à chaque main une plume, l’arracha puis la jeta dans le vide. Tout contrastait : la violence de son geste et la lente chute des plumes dérivant au grès des courants ; l’envergure de ses ailes et les larmes si petites, qui roulaient le long de ses joues ; son corps d’adulte et son regard d’enfant perdu, figé des années auparavant. Il se souvenait d’une femme et du rire d’un enfant, image d’un souvenir éclaté en des dizaines de tableaux, en des milliers de mots.

J’aurais voulu savoir lire ceux qui glissaient de sa joue.

Il était une fois un Prince, assis en tailleur au centre du son château. Regardant fièrement son royaume en cette fin d’après-midi, la brise caressant sa peau lui soufflait la venue prochaine de l’automne tandis que le ciel en prenait la teinte. Sous le soleil couchant les remparts rougeoyaient et, sur le sol, l’ombre du fanion commençait à se troubler. Comme si les yeux, déjà, s’embuaient de larmes. Perdu dans sa contemplation le Prince percevait en arrière fond l’agitation des bâtisseurs posant les dernières pierres à leur ouvrage ainsi que l’éclat de l’eau des douves semblant maculée de sang, prémisse de la bataille à venir. Il regarda à l’horizon. Son château était si petit face à l’envahisseur, si fragile. Un grain de sable…

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Un corps à moitié nu. La poitrine se soulève doucement puis de façon de plus ne plus saccadé. Hoquet. Ses cheveux ramenés sur sa peau telle la vague sur la grève, elle pleure. Douleur . Elle pleure à s’en faire mal ; comme les anges qui pour renier la vérité, en viennent à couper leur ailes. Dans ses yeux le papillon s’est envolé. Alors, loin de la chrysalide le monde devient un autre : violent.

Le drap sur ses cuisses et l’air frais qui s’y engouffre.

La goutte d’eau sur l’aile du papillon et le filet se profilant devant lui.

La main qui l’attrape par la taille puis le silence.

Petite on m’avait dit qu’il suffisait de toucher l’aile d’un papillon pour que plus jamais il ne vole.

On l’avait pris par la main et traîné hors de son royaume, otage de la réalité. Tout était fini. Les bâtisseurs étaient rentrés chez eux et il ne restait sur la grève plus que lui et cette main le tirant en arrière. Elle tenait fermement son poignet et sa peau, usé par le temps, n’avait plus la douceur des siennes ou des autres enfants : elle était de ces mains sur lesquelles les couronnes n’ont pas d’emprise. La nuit allait bientôt tomber et s’il devait rentrer avec sa mère, le jeune Prince ne pouvait cependant s’empêcher de songer au devenir des rêves réfugiés entre les murs du château. Dans son esprit la bataille, déjà se jouait mais il ne pouvait qu’observer. Elle avançait lentement, bataillon par bataillon, immense armée de l’océan. Elle avançait et l’enfant reculait, ses pieds foulant le sable comme s’il eut voulu lancer la cavalerie au grand galop. Très vite le château fut à portée de tir et, après chaque assaut de l’infanterie, l’écume décochait une volée de flèches à la pointe salée. L’imaginaire hurlait et il avait beau plaquer ses mains sur ses oreilles, il continuait de l’entendre. Puis, l’eau emplissant lentement les douves, ce fut le siège. Cependant le ciel était d’encre et le Prince déjà loin. Jamais il ne vit les remparts s’effriter avant de tomber en ruine, l’eau pénétrer à l’intérieur telle une marée de soldats, combler les fossés et recouvrir les ruelles avant de tout emporter, de tout effacer. Au début le reflux de l’océan laissait apercevoir les décombres de la cité engloutie, telles les danseuses jouant avec l’ourlet de leur jupon pour attiser le désir des hommes. Néanmoins en quelques minutes ce fut comme si le château n’avait jamais existé. Alors, quelques heures plus tard, allongé sur son lit les yeux grands ouverts, le bruit des vagues l’empêchant de dormir, il imagina.

Et dans ses rêves le palais ressuscita.

Un regard entre la peur et le défi ; la honte et l’envie. Une main immobile qui voudrait se tendre pour saisir l’invisible telles les serres d’un rapace guettent la proie. Se pencher et t’embrasser, menace.

Un stylo. L’apprivoiser, doucement, comme l’oiseau caresse l’eau du bout de ses ailes. Du bout de nos doigts.

Une plume tombée des nuages, passerelle entre le ciel et la terre. Elle pleure : la main est partie, blessée par de l’encre et sans elle la plume ne sait ordonner aux images de danser.

J’aimerais pouvoir la consoler mais je ne trouve pas les mots.

L’ange avait échoué, incapable de les protéger. Le papillon avait perdu ses ailes et le Prince son château. Lentement, alors que tout espoir l’abandonne, des pans de son nuage tombent en lambeaux.

« Maman ! Il y a quelque chose dans l’eau ! C’est quoi ? »

Les yeux fermés comme s’il voulait garder en lui encore un peu d’innocence, le monde alentour ne lui parvient plus que par brides.

« Je ne sais pas, tu veux qu’on aille voir ? »

Des bruits de pas étouffés par la grève, le clapotis de l’eau comme le rire cristallin d’un enfant…

« Une plume ! On dirait celle d’un ange Maman. »

…comme le cri d’un ange qui n’a plus de nuage. Une histoire sans personnages.

« Tu crois que ça pourrait être le drapeau de mon prochain château ? »

Deux paupières qui se lèvent comme pour laisser entrevoir l’aube. Soudain quelque chose le retient : une main à moitié nue. Ses doigts sont vêtus d’encre.

« Vole ! »

Sur la grève un enfant court une plume à la main et le bras dressé vers le ciel comme s’il eut voulu faire de la plume un oiseau tandis que dans les yeux d’une jeune femme un papillon se met à danser.

Vivants.

Ou peut-être que tout ceci n’est qu’une image…

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