Souffle Mots

Juste une dernière

2nd mars 2023

Juste une dernière

Bonjour tout le monde !

Ca fait longtemps…voici un poème datant de l’année dernière, accompagné d’un magnifique dessin réalisé par une amie, Myrtille.

Bye et bonne lecture !

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Juste une dernière

Juste une dernière,
Qu’elle soupirait.
Entre ses lèvres une prière
En volutes se consummait.
Dans la fièvre glaciale de l’hiver
Avec charité,
Sous ses yeux conquis
Elle couvrait la chaussée
Des cendres de la nuit.
-
Juste une dernière,
Qu’elle affirmait.
La route est longue jusqu’au cimetière,
Allez viens m’embrasser.
S’il fait trop noir pour boire
Je rentrerai à pied.
-
Juste une dernière,
Qu’elle implorait.
Il flottait dans l’air une musique endiablée.
Et le silence austère
Du temps écoulé.
-
Juste une dernière,
Qu’elle consentait.
D’avant en arrière
La houle des regrets
Effaçait peu à peu
Le rouge à ses lèvres
Et les étoiles de ses yeux.
-
Juste une dernière
Qu’elle lui accorda,
Promis il ne recommencerait pas.
Sous le regard un morceau de ciel arraché.
Sur sa joue le souvenir de la mer
Que les promesses n’ont pu calmer.
Du sang coule de son nez.
Comment en est on arrivés là ?
Comme un aller simple vers l’au delà.

-

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20th juillet 2017

Légende d’un nouveau récit

Bonjour,

Je reporte les posts, je reporte et soudain je me rends compte que cela fait plus d’un an que je n’ai pas posté. Je ne m’en serai pas cru capable. Oh je vous rassure, j’écris ! Souvent ! Depuis 2 ans maintenant je me suis lancée dans un récit, un long récit qui j’espère pourrait devenir un roman. Et vu que j’écris ce récit bah…je n’écris rien d’autre qui puisse alimenter ce site. On m’a toutefois fait remarquer que je pouvais poster le tout début de mon récit (je parle de récit parce qu’en fait il n’a pas de nom encore même s’il fait 80 pages !). C’est ce que je fais alors ici. Un prélude, un avant-goût… la suite viendra un jour, en livre papier je l’espère. Mais pas tout de suite ! J’ai tant à écrire encore et je suis si longue à écrire !

La première photo correspond à l’open pit de la mine de Kevitsa en Finlande.

Alors voici une légende, celle d’un roman qui peut-être verra le jour.

Bye et bonne lecture !

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Légende d’un nouveau récit

A l’aube des temps le ciel était nu et la plaine constellée de taches de rousseurs. La nuit, le vent apportait parfois aux oreilles des Hommes un son étrangement métallique mêlé à celui de l’herbe dansante. Bien souvent les regards s’élevaient vers le ciel et ils se rappelaient de ce temps où ce que voyaient leurs ancêtres n’était point la nudité des femmes au soir de leurs noces, riche de promesses et emplissant l’imaginaire des hommes. Le dénuement qu’ils contemplaient était celui des mendiants dans la rue, rabattant le pan de leur cape pour se protéger tant bien que mal du froid, la terre du paysan après le gel de décembre et l’âtre où les buches se sont éteintes. Un ciel sans étoiles. Face à cette noire vision le cœur des Hommes, toujours, s’emplissait d’un malaise indéchiffrable. Cela toutefois, c’était avant que les Poètes n’apparaissent.

Ils pénètrent sur la lande un matin d’automne, leur long manteau couleur nuit faisant bruisser dans leur sillage les feuilles jonchant le sol encore humide de la rosée. Le dos droit et la démarche assurée, ils portaient une capuche masquant leurs visages baissés. Il parait que leur cape était cousue dans un morceau de ciel tombé sur Terre, à l’époque où cette dernière projetait encore dans le firmament des flammèches incandescentes. Traversant les champs de blé et les forêts insondables ils s’arrêtèrent à flanc de montagne, dans le creux ménagé par une ancienne grotte aux parois érodées. Se munissant de pioches et de lanternes, leur pas les guida dans les ténèbres de la nuit et bientôt les villageois virent disparaitre les derniers halos de lumière. Après avoir patienté quelques heures, les Hommes se dispersèrent pour retourner à leurs activités. Seuls quelques enfants rodèrent encore autour de la grotte malgré les récriminations de leur parents, attendant pleins de curiosité que les Poètes remontent. Quelques semaines plus tard, tandis que tombaient sur la plaine les premiers flocons de l’hiver, le village s’anima à l’approche d’un enfant. A peine avait-il transmis son message qu’il repartait déjà sur la route qui l’avait vu arriver : les Poètes avaient refait surface. Rassemblés devant l’entrée de la grotte, les villageois les rejoignirent petit à petit tout en gardant bonne distance, laissant entre eux comme une auréole de neige immaculée. Le soleil avait disparu derrière l’horizon et seul son souvenir éclairait encore la terre. Les arbres alentours avaient revêtu le noir de l’anonymat et contrastaient sur le ciel d’un bleu sombre. La scène toutefois était parfaitement discernable et la lumière diffuse qui l’enrobait telle un voile se réverbérait sur la neige fraichement tombée. La lueur provenait d’une pierre polie au creux des mains des Poètes et bientôt, sous les regards pieux des villageois, cette dernière s’éleva dans les airs. A son passage les flocons semblèrent s’allumer comme des paillettes dans l’obscurité, chutant inexorablement tandis que le cœur lumineux poursuivait son ascension. Rapidement, les yeux ne purent plus témoigner de l’avancée de la pierre et nul ne peut dire à quel moment cette dernière s’acheva. Tous se souviennent cependant de cet instant, variable indéterminée ajustée par les rêves et espoirs de chacun, où, soudain, le ciel se para d’une étoile. C’était une femme que seul un collier de perle habille, un bourgeon perdu dans l’immensité du désert et l’étincelle qui brille au coin des sourires.

A partir de ce jour les villageois n’eurent plus qu’une idée en tête : apprendre le secret des Poètes. Aménageant l’entrée de la grotte, ils en retirèrent les écueils pour permettre à chacun de descendre à la suite des magiciens et façonnèrent dans les parois l’âtre des flambeaux devant les guider jusqu’à leurs maîtres. Des jours durant les Poètes transmirent leurs savoirs dans les ténèbres de la terre, enseignant aux Hommes l’art de façonner les étoiles. Tout débutait par la recherche de la pierre qui, jamais, ne pouvait être laissée au hasard. Les yeux devaient guetter à chaque instant, parmi la multitude de roches et de minerais, la pierre dont l’éclat résonnerait d’un écho particulier dans les cœurs ; tout comme les yeux guettent dans chaque être cette différence qui nous attirera irrésistiblement vers lui. Avec maintes précautions la pierre devait ensuite être extraite de son carcan pour être polie. Il y avait, dans les mouvements des Poètes, une étrange douceur et passion plus proche des caresses des amants que des coups de burin et à chaque frappe la pierre s’emplissait d’un peu de lumière. Certaines étaient rouges comme le soleil couchant, tiède chaleur diffuse ; d’autres d’un bleu profond semblaient prêtes à se consumer. Leurs œuvres achevées, chacun remonta à la surface et, après un dernier regard pour celles qu’ils avaient chérie sans relâche des jours et des nuits, levèrent les bras très hauts pour offrir une étoile au ciel. Alors le miracle se répéta et le cœur des Hommes s’emplit de plénitude, de ce sentiment d’accomplissement que seul peut engendrer un don de soi.

Cette réussite marqua toutefois la fin de la mission des Poètes et, peu après que les étoiles eurent pris place dans le ciel, la lande endormie vit leur départ. Il parait que cette nuit-là, la cape des magiciens brillait étrangement et si certains n’y virent que l’éclat des flocons de neige sous la Lune, d’autres associèrent cette lueur à celle des étoiles nouvellement nées. Avec les générations furent transmis les secrets des Poètes et bientôt la nuit ne fut plus si obscure. L’innocence et l’émerveillement premier des Hommes face à la naissance des astres ne tardèrent cependant pas à se ternir tandis que des zones d’ombres apparaissaient dans les recoins de leurs cœurs. Ainsi naquirent les naines brunes, étoiles avortées à la pâleur fantomatique. Ces dernières mais également d’autres, à peine moins pâles et n’ayant pas bénéficié d’assez de passion, peinaient à gravir le firmament, vacillant à la moindre bourrasque de vent. A cette même époque, les motivations des Hommes évoluèrent. Au lieu d’offrir une part de soi au ciel, ils portaient désormais sur ce dernier un regard de conquérant. Certains en venaient même, un filet à la main, à voler les étoiles. Afin de pallier ce problème et de fixer dans le ciel les étoiles chancelantes ; de gigantesques machines furent bâties, prenant appui dans la terre pour élever dans les airs leurs énormes bras métalliques. Ainsi, la lande fut recouverte de tâches rouille grinçant parfois dans la nuit et les étoiles, suspendues à des pointes de fer, n’étaient plus que des objets sujettes au commerce des Hommes avec le ciel. Quelques-uns cependant, aspirant à retrouver la relation originelle avec les astres, partirent voyager à travers le monde à la recherche des Poètes depuis longtemps disparus. Ils devaient, parait-il, marcher jusqu’au lieu où la terre rencontre le ciel pour venir s’allonger dans le berceau des étoiles et se laisser alors porter jusqu’à la porte des magiciens. Franchissant les montagnes à pic et les gouffres de roches, traversant les forêts sans ciel et les déserts inconstants, ils en vinrent avec les siècles à oublier leur but tandis que deux groupes distincs se formaient. Car si le temps avait, dans leur esprit, enseveli l’objectif de leur long voyage ; leur cœur lui n’avait pu l’oublier et la recherche des Poètes guidait, d’un murmure à l’oreille de l’inconscient, chaque choix de leur vie. Le premier groupe partit sur l’océan pour naviguer au milieu des astres tandis que le second s’enfonça dans la terre pour chercher l’étoile mère dont ils pensaient que chaque pierre était issue, germe de lumière. C’est de ce groupe dont ils descendent, les Gueules noires, les mineurs à la recherche d’étoiles.

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31st mai 2015

De ma fenêtre

Salut !

Je pars à la fin de la semaine prochaine en Irlande pour trois mois, autant poster un texte alors avant de partir car je ne sais pas si j’aurai trop la tête à cela là bas. Ce texte est le dernier que j’ai écrit, les autres étant tous trop longs pour être posté en une seule fois.  J’ai essayé ici d’écrire quelque chose de différent de d’habitude. J’espère que cela vous plaira. Si vous avez des questions n’hésitez pas !

Bonne lecture !

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De ma fenêtre


Tout commença par une image, un plan fixe en plongée dans la nuit. Les Hommes, vu de haut, perdaient de leur corpulence et la discussion semblait animée plus par les ombres que par les corps. Regroupés en cercle serré, la plupart avaient la tête baissée et le dos voûté, comme s’ils souhaitaient masquer l’asphalte sous leurs pieds. Une fine pluie tombait en rythme régulier et seul était perceptible le son des gouttes s’écrasant sur le sol. Le son des gouttes s’écrasant sur les leurs pour les percer d’un bruit mat. Sur les lèvres des Hommes des mots se formaient sous les regards fébriles avant d’être emportés par la pluie. Certaines ombres manifestaient plus d’assurance et leurs visages se crispaient parfois de colère tandis qu’ils détachaient distinctement deux syllabes. La première naissait par la séparation brutale des lèvres jointes, découvrant bien souvent des dents serrées dans un rictus de menace à peine dissimulée, tandis que la deuxième entrainait juste un étirement des coins de la bouche qui serait passé pour un sourire sans un regard de mépris inflexible. Invariablement des tremblements naissaient chez certains qui commençaient à s’affairer sous leurs parkas sans plus chercher à dissimuler leurs peurs. Très vite alors les mains se chevauchaient, s’effleuraient malencontreusement. Si un billet venait à tomber par terre son propriétaire, se jetait dessus avant de le frotter contre ses habits pour essayer d’en ôter l’humidité. La transaction effectuée, chacun repartait de son côté. Ils disparaissant dans l’ombre pour ne laisser qu’un sol trempé et piétiné au croisement de deux rues. La pluie cependant continuait à tomber, relief fugace dans la lumière du lampadaire.

La route, un peu vieillie, ressemblait aux visages de ces personnes dont on dit qu’elles ont tout vécu : limpides dans la nuit elles se révèlent au toucher couvertes d’aspérités. La progression du fourgon était chaotique et lente, comme si ce dernier souhaitait laisser le temps au lampadaire de faire un dernier adieu aux passagers assis à son bord. Dans la rue le silence s’était installé. Le monde semblait dormir…une de ces soirées où l’on sait que le matin notre regard se portera vers l’avant mais où on ne peut s’empêcher de jeter un coup d’œil à ce que l’on laisse derrière soi comme si on souhaitait graver le souvenir du chemin parcouru. Les secousses du fourgon, au lieu de briser le calme de la nuit, paraissait provenir de son rêve. D’abord lointain, il se rapprocha petit à petit, comme un animal se faufilant et sur lequel les regards se penchent. Bientôt, le bruit du métal s’entrechoquant se fit entendre. Cette sonorité ne lui était pas tout à fait inconnue et même s’il ne l’avait jamais entendu comme telle, elle réveilla de vagues souvenirs. Les vélos et les chiens que l’on attache, le sentiment que le même métal l’avait enchainé à cette terre, l’empêchant de s’enfuir et le forçant à rester spectateur d’un manège qu’il aurait préféré ignorer. Soudain un soubresaut anima le véhicule et une voix familière s’éleva, hésitante, égarée : un jeune homme qui sent que la vie lui échappe.
« As-tu déjà tué un Homme ? »
Doucement le fourgon tourna pour entrer dans le halo de lumière. Il ressemblait au visage flou des personnages de nos rêves dont on connait intimement l’identité mais qui différent en quelque chose de la réalité. Éclairé, le toit d’un blanc sale détonnait dans la nuit. Somnambule sur la Terre, la Lune, ce soir, n’était plus si ronde.
« Oh, c’est bien, reprit la voix. Enfin je veux dire…ta sentence ne devrait pas être trop importance. Quelques mois et tu seras relâché, non ? » Il bégayait, sans plus chercher à garder un semblant de contenance. Aucune fenêtre sur la plage arrière du véhicule, juste des surfaces blanches rendues fantomatiques par la faible clarté du réverbère.
« Et pourquoi tu… » La voix mourut. Déjà le fourgon s’éloignait, petit homme boiteux disparaissant dans le noir. Quelques mots planèrent toutefois un moment, question sans réponse d’une voix un peu plus grave, plus mature mais aussi plus désespérée lui rappelant des sanglots familiers.
« As-tu déjà aimé un homme ? »

Il naquit un jour sans Lune et jeta sur le monde un premier regard maladroit. Les ombres étaient trop grandes, un peu difformes et la lumière trop vive aveuglait bon nombre de créatures qui, à peine sorties, repartaient déjà dans les fourrés, le museau au ras du sol. Même les lucioles le regardèrent d’un mauvais œil, considérant le nouveau venu comme un concurrent immédiat pour les remplacer dans le cœur de la nuit. Ses grands yeux, curieux de tout, balayaient le paysage sans jamais prendre le temps de l’éclairer correctement , projecteurs imprévisibles surprenant l’intimité du monde. Les sons lui parvenaient étouffés, comme entourés de brume, petit être conçu pour voir et non pour entendre. De nombreux jours furent nécessaires pour lui inculquer qu’il devait se coucher à l’aurore et ne pouvait s’éveiller qu’avec les étoiles tandis qu’il fallut attendre des années pour qu’il parvienne à trouver l’origine d’un son avant que celui-ci ne meurt. Malgré le temps, le respect de l’intimité lui resta toutefois étranger, incapable d’agir comme si le monde ne s’était pas dévoilé sous ses yeux. Il aimait l’hiver et ses longues nuits mais plus encore l’été qui emplissait les rues d’animations. Situé à l’entrée d’un parking, au croisement de deux routes peu fréquentées, il ne connaissait pas grand chose du monde mais s’en contentait. Cependant, comme les enfants pensent que jamais ils ne grandiront, le lampadaire songeait que jamais son univers ne changerait. Le corbeau ne s’était pas encore posé sur son épaule.

Débouchant d’une des ruelles, la silhouette s’avança, le pas lourd et la démarche chancelante. De loin sa chemise débraillée et entrouverte était discernable et sa carrure large d’épaule ne trompait pas. S’il avait tout l’air d’avoir passé une soirée un peu trop arrosée, ce sentiment s’envola aussitôt lorsqu’il se mit à courir soudainement, les poings serrées et le menton rentré. Sous ses habits tous ses muscles étaient bandés. Il n’arrêta sa course effrénée qu’à hauteur du lampadaire, pour y décocher un violent coup de poing. Ses épaules furent alors prises de soubresauts et il resta un moment ainsi, les bras ballants, tandis qu’un filet de sang gouttait de son poing meurtri. Il devait approcher de la quarantaine mais semblait aussi perdu qu’un adolescent. Se laissant finalement glissé le long de la barre en fer, il ramena ses jambes contre lui et ne chercha plus à dissimuler ses larmes. Dans ses mains le portrait d’un jeune homme inconnu se troubla petit à petit. Comme d’un commun accord, la lumière se fit décroissante, peut-être plus pour l’apaiser que pour le masquer aux yeux de la nuit. Le réverbère aurait aimé connaître ce qui se tramait dans le cœur de l’homme et quel élément avait pu éveiller en lui un tel dégoût de sa personne au point de n’aspirer qu’à se blesser. Le corbeau lui donna sa réponse.
« Il me rappelle ce camarade albinos qui s’était un jour roulé dans le pétrole jonchant le rivage pour masquer un peu sa différence. » D’un battement d’aile l’oiseau s’envola.
« Il me plaisait bien pourtant, avec son plumage blanc… »

Le roulis des feuilles mortes sur le sol, coque du bateau qui vient entailler l’océan. Les cris qui se rapprochent, enflent comme le grondement de la tempête. Sur le ponton des éclats d’eau jaillissent, relents fétides d’alcool. Leur progression est désorganisée, masse confuse d’écume qui s’étire et se contracte, se meut au grès des courants comme un banc de poisson se contorsionnant pour éviter les mailles du filet. Banc d’hommes qui fonce, aveugle, au devant des matraques. La tempête masque la visibilité et il n’est bientôt plus question de nord ou de sud de droite ou de gauche au milieu des fumigènes. Puis le ciel, lentement se dégage, ombres qui fuient. Ne restent sur le sol que les décombres des vies passées. Alors le lampadaire observe ces Hommes si différents d’eux mêmes après l’orage et cherche autour de lui les restes du monde qui était sien tout comme le mat guette les Hommes qui sont tombés à la mer tout en sachant qu’il est déjà trop tard.

Assis dos au lampadaire, il comptait. Un à un les billets venaient se nicher entre ses genoux serrés et ses lèvres formaient en rythme régulier les chiffres qui se succédaient. Mais chaque fois, à peine avait-il fini que l’incertitude le gagnait. Reprenant la liasse dans ses mains, le même manège recommençait alors. De façon un peu plus fébrile, un peu plus rapide. Plus le temps passait plus il jetait des regards autour de lui, comme s’il craignait qu’une personne ne le surprenne. Ce fut au milieu d’un de ses décomptes qu’un homme surgit au bout de l’allée. Il s’avança d’une démarche assurée vers le halo de lumière. Fourrant les billets au fond de la poche de son manteau le jeune homme se leva en se soutenant au lampadaire et attendit que le nouveau venu arrive à sa hauteur. Il n’était pas tard et si le soleil était déjà couché derrière l’horizon, son souvenir hantait encore le ciel d’un bleu tirant sur le noir. Les rues toutefois étaient désertes : les feuilles mortes s’amoncelaient sans que personne ne soit là pour les ramasser et, près des bancs, des bouts de verre jonchaient le sol. Lorsque les deux hommes se séparèrent, le premier regarda ses mains. Ses mains toujours emplies de papiers. Ses mains vides qui tremblaient. En manque de billets.

Cet hiver, le lampadaire s’en souvint. L’absence de vie et les longues journées passées à observer un monde qui n’était plus le sien, à se souvenir. Il revoyait les enfants courir dans la neige, emmitouflés dans leurs écharpes et leurs bonnets, tourner autour de lui pour s’attraper et se cacher derrière son mince corps. Il se souvient de ce froid mordant que le soleil ne parvenait pas à chasser et de son corps qui, petit à petit, se raidissait. Du métal que rien ne pouvait réchauffer. Il attendait le printemps comme on attend les premières lueurs du jour pour échapper à une nuit emplie de cauchemars.

Lorsque le poignard fusa de sous le manteau noir, le geste était maladroit et empreint de désespoir. Morsure de l’animal qu’on accule. Quelques billets jonchaient le sol tandis que d’autres, encore dans les mains de l’homme, se tachaient de rouge. Soudain le noir se fit, percé ça et là de quelques étoiles filantes perdues dans la ramure d’un oiseau. Perché sur le lampadaire un corbeau venait de déployer ses ailes. Plumage albinos.

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18th avril 2015

L’envol (2/2)

Salut !

Voici la deuxième partie du récit débuté au post précédent. J’espère que la fin vous plaira.

Bonne lecture !

L’envol (1/2)

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L’envol (2/2)

Une légende raconte qu’il y a très longtemps les villageois auraient chassés les oiseaux du ciel, effrayés par ces créatures volant là où leur regards n’osaient se poser. Sortant un jour, des torches à la main, ils les auraient lancés haut dans les airs au royaume des anges. Le ciel aurait alors pris feu, devenant aussi noir que des cendres tandis que, de leurs ailes, les oiseaux tentaient d’étouffer l’incendie. Il parait que, leurs plumes brûlées, ils se seraient enfuis à jamais, laissant le vent seul sur la plaine.

Un après-midi Hegoa arriva sur la colline les bras chargés de morceau de bois. Surpris car ne les attendant pas de si tôt le vent alla se placer au bord de la plaine afin de regarder la jeune femme monter. Il ignorait son nom mais cela ne l’empêchait pas de l’aimer bien qu’il souffrait de ne pouvoir le lui dire.

« Que comptes-tu faire avec tout ce bois ? » demanda-t-elle en écho à la pensée muette du vent.

 » Je voudrais construire une balançoire…c’est pour aller voir la Lune. »

Tandis que la jeune femme arrivait au sommet, le vent lui tendit la main, l’attirant contre lui.

« Mais il n’y a aucun arbre ici pouvant la soutenir » répliqua-t-elle.

Hegoa haussa les épaules, déjà au travail.

« Pas grave, je l’accrocherai aux étoiles »

Au village la lumière des lampadaires était si vive qu’elle masquait les astres et donnait à la Lune un pâle visage. On la distinguait à peine et les villageois auraient bien voulu qu’elle ne soit plus qu’une ombre. Qui aurait pu voir alors que, dans le creux de la Lune, se cachait le dernier oiseau de la plaine ?

Le vent se tut un instant, plongé dans ses souvenirs.

« Un soir l’œuvre d’Hegoa fut achevé et je sentis au regard qu’il laissait derrière lui que rien ne serait plus pareil. »

Des images comme des bulles de savon…

Hegoa tirant sa mère par la main, prêt à s’envoler ; les ombres naissants sur les murs et ce flambeau au milieu de la place.

« Pourquoi cache-t-on la Lune Maman ? Elle est si belle… »

Un enfant, sur la pointe des pieds.

« Je crois qu’après l’incendie un oiseau a fait son nid sur la Lune. »

Doucement le couvercle de la lanterne se soulève.

« J’ai quelque chose d’important à lui demander »

Un souffle, la danse de la flamme puis l’obscurité.

« Dis, tu me pousseras sur la balançoire ? »

Doucement la ville s’éteignit, plongée dans le sommeil.

Certains racontent qu’Hegoa souffla, seul, sur chaque lanterne. D’autres prétendent qu’il appela à lui les ombres aux yeux tristes pour l’aider dans sa tache mais qui sait si, sans le dire, le vent ne descendit pas de la plaine ?

Quelques heures plus tard le jeune femme monta sur la plaine pour y déposer Hegoa. Jamais les villageois ne l’auraient, ils ne lui couperaient pas ses ailes, elle y veillerait.

Ses yeux s’égarèrent dans le vide.

« S’il te plaît, protège le. »

Et, tandis qu’elle redescendait affronter le village, l’air humide de la nuit au creux de ses lèvres avait le goût des promesses éternelles.

Plan fixe sur un carré de nuit. Le crissement du bois se mêle au rire d’un enfant.

« Plus fort ! »

Deux petites jambes traversent le champ, tendues vers le ciel avant de se replier sur elles-mêmes.

« Encore ! »

Le vent, posté derrière l’enfant, attrape de façon rythmique les bords de la balançoire afin de la propulser dans les airs.

Lentement les contours de la Lune se dessinent dans le coin droit du cadre tandis que les mains de l’enfant se tendent vers elle.

« Approche, je ne vais pas te faire de mal. »

Ce soir là la Lune en était à son premier quart et semblait aussi fragile qu’une femme venant d’enfanter.

« Comment t’appelles-tu ? »

Bruissement d’aile alors que, doucement, deux paires de serre se referment sur l’arrête de la Lune.

« Moi c’est Hegoa. »

Dans le lointain des torches rallument les étoiles de la terre.

« Dis, tu m’apprends à voler ? »

Et, lorsque les deux oiseaux s’élancèrent dans les airs, l’enfant lâcha la corde suspendue aux étoiles et sauta dans le vide. Alors, dans le vent il vola et les rêves, doucement, repeuplèrent le ciel.

***

Une petite main tira sur ma manche, faisant déraper ma plume.

« Pourquoi est-ce que la jeune femme ne retourne pas voir le vent ? »

Je regardai son visage et ses grands yeux emplis de questions. Il me ressemblait un peu mais il avait les cheveux blonds d’Hegoa. Il était toujours là près de la plume, comme un encrier.

« Parce que toutes les femmes s’en vont un jour bien que l’on ignore souvent leurs raisons. Celle que j’aimais est partie. »

Il inclina légèrement la tête sur le côté, semblant ne pas comprendre.

« C’est à cause des villageois ?

- Peut-être. »

Alors que je lui souriais, satisfait de ma réponse il fit demi-tour et, en le regardant s’éloigner je cru distinguer dans son dos l’étrange reflet de deux ailes.

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21st février 2015

L’envol (1/2)

Salut !

Voici un texte écrit il y a de cela un an je crois (et oui, admirez le retard de post que j’ai !). Comme d’habitude cette histoire m’est venue d’une image, celle qui clôturera l’histoire au prochain épisode !

Bonne lecture !

L’envol (2/2)

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L’envol (1/2)

Sur la plaine l’herbe ondulait, bercée par le vent. Le suivant dans son sillage comme un enfant aux jambes trop courtes courrai derrière ses parents, la fraîcheur de la nuit approchait. Ce n’était pas de ces brises annonciatrices de sang ou de pluie faisant converger les regards vers les lèvres de la tempête et plisser les yeux pour ne pas pleurer. C’était une brise à l’ample foulée -éprise de voyage et d’histoire- sur le dos de laquelle chevauchent les souvenirs du ciel et de la terre. Un peu plus loin, dans le creux d’une colline, à cette heure où le soleil projette ses derniers rayons, les ombres jouaient dans les rues et sur les murs d’un village. On aurait presque pu entendre leur rire. C’était alors que le bal commençait. Un à un les villageois sortaient de chez eux et traversaient les ruelles, un paisible sourire sur le visage. Chacun connaissait son cavalier et ses pas de danse. Pour certains c’était des réverbères pour d’autres des lanternes. Lorsqu’ils arrivaient à leur hauteur ils soulevaient leur chapeau ou faisaient virevolter l’ourlet de leur jupon tout en inclinant la tête. Ces politesses échangées, se hissant sur la pointe des pieds, d’une seule allumette frottée contre un mur, la lumière jaillissait. Ce n’était qu’une fois ce rituel accomplit que les villageois rentraient chez eux, tenant par la main les ombres aux yeux tristes.

Je tendis l’oreille : le vent chantait ; une longue complainte d’amour pour une femme aimée et disparue. Il me confia que s’il jouait avec l’herbe c’était pour ne pas oublier toutes ces nuits passées, son souffle dans son cou, à faire onduler les mèches folles de ses cheveux.
« Raconte-moi » murmurai-je.
Et il me raconta.

Il était une fois un village où la poésie n’avait pas sa place et où les enfants interdits de rêver n’étaient plus que des ombres aux yeux tristes tandis que ceux osant braver les règles étaient bannis sur la plaine.
Il était une fois une brise amoureuse…


« Attends mon chéri, reviens ! On n’a pas le droit de monter sur la plaine ! »
Une voix, comme un flocon d’émotion qui viendrait fondre là où se rejoignent les lèvres. Il la rencontra un soir, au crépuscule. Fatigué de sa longue journée il s’était allongé, la tête posée au creux de ses mains. Cependant à peine l’eut-il entendu qu’il était déjà accroupi, tous les sens aux aguets. La première personne qu’il vit apparaître à l’horizon fut un enfant aux cheveux si blonds qu’ils en paraissaient presque blancs. Il courrait, les yeux levés vers le ciel comme s’il voulait attraper les papillons.
« Hegoa, tu m’entends ? Reviens ! »
Sa rapidité et son agilité sur l’herbe ondoyante lui donnaient l’air d’un jeune oiseau avant son premier envol. On s’attendait presque à voir des ailes se déplier dans son dos.
« Hegoa ! »
Silence. Dans son cou étaient posées les tièdes lèvres du vent.

Au centre du village se tenait une place entourée de réverbères quelque peu voûtés, saluant majestueusement le flambeau central qui jamais ne s’éteignait. Il éclairait des dalles couvertes d’une écriture si vieille qu’elle en était difficilement reconnaissable et qui rappelait à quiconque voulait bien les lire, les trois principes à n’enfreindre sous aucun prétexte :
« Il est interdit de jouer avec les ombres à la nuit tombée ou de monter sur la plaine. »
Et, un peu plus loin, à moitié effacé :
« Ne jamais éteindre les lampadaires une fois le soleil couché. »


Nul ne sût qu’ils étaient montés sur la colline. En réalité personne ne levait les yeux aussi haut et même s’ils avaient voulu regarder les étoiles ils ne l’auraient pu : la clarté des lanternes étaient comme un nuage cachant le Soleil. Assise sur les marches devant sa maison, la jeune femme regardait son enfant jouer. Dès son plus jeune âge la différence d’Hegoa lui était apparue : il portait sur le monde un regard…aérien. Ses yeux allaient de droite à gauche et de gauche à droite, curieux de tout ; courant sur les pavés plus vite que ses frêles jambes le lui permettaient et ne se posant quelque part que pour mieux s’élancer.Très tôt la jeune mère avait compris qu’elle devrait le protéger du village ; seulement comment veiller, à terre, sur un oiseau dont chaque battement d’aile réveille un rêve ?

Les soirs qui suivirent Hegoa voulu retourner sur la colline et sa mère ne put l’en empêcher, sentant au fond d’elle un étrange besoin de chaleur. Chaque fois le vent se réjouissait lorsque l’enfant arrivait, courant sur la plaine, les bras écartés perpendiculairement à son corps. Ses yeux toujours levés vers le ciel, semblaient fixer la Lune et si sa mère, parfois, ne l’avait rappelé, peut-être se serait-il envolé jusqu’à elle. Malgré l’interdiction bien connue de monter sur la colline, la jeune femme se sentait apaisée, comme si quelqu’un à ses côtés l’enlaçait et la rassurait. Ces soirs là deux regards veillaient sur Hegoa avant, parfois, de se rencontrer. La plaine alors, n’était plus qu’immobilité.

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14th septembre 2014

En noir et blanc (2/2)

Salut !

Voici la fin du conte dont je vous avais présenté le début il y a quelques mois. Entre temps j’ai repris les cours : deuxième année d’école d’ingé !
J’espère que la fin du conte vous plaira, n’hésitez pas à me donner votre avis.

La première image est une plume que deux de mes amies m’ont offert pour mes 21 ans et la deuxième image un tableau de Begarat de mes parents.

Bye et bonne lecture !

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En noir et blanc (2/2)

Certaines vocations surviennent tard dans la vie, à cet âge où le temps à déjà façonné les êtres que nous sommes. D’autres surgissent entre l’adolescence et le début de l’âge adulte, à cette période de notre existence où tout, jusqu’à notre identité, est remis en question. Et puis il y a celle qui n’ont, en apparence, aucune origine. Dites-moi : j’avais quel âge quand je suis née ?
Depuis quelques mois je me pose souvent une question : « Pourquoi ? »
Pourquoi ces lettres sur ma feuille et ces paysages dans ma tête ; ces lèvres qui remuent à peine, rythme imperceptible des mots, et cette impression qu’une plume à la main je sais enfin danser ?
Je me souviens petite de ces histoires que je racontais à ma mère avant qu’elle ne me dise qu’elle devait faire autre chose, de ces rêves d’enfant qu’on remonte à la réalité et du bout de sa plume suspend aux nuages, de ces envies d’ailleurs et de liberté ainsi que de ces sentiments anonymes que je glissais à leur encontre dans le cœur des personnages dans l’espoir que l’on fasse connaissance.
« Pourquoi ? »
Un court silence, reflux des graviers sur la grève.
« Pour écrire ce que la vie nous interdit et devenir ce que je ne serai jamais.
Pour m’échapper d’un monde un peu trop étroit et coudre des plumes dans le dos des enfants.
Pour accrocher des Lunes aux toits des maisons et peindre dans les forêts des arbres de rouille.
Pour une voix dans ma tête, ce regard innocent qui réclame des histoires et des tableaux où s’endormir. »
Les syllabes que l’on sépare et les lettres qui se font lourdes, comme gorgées d’encre.
« Pourquoi ? »
L’impatience d’une plume.
« Parce que. »


C’était le troisième tableau qui bénéficiait de la plupart de son attention. Il pouvait rester des heures assis face à lui à observer la brusque déchirure de l’espace, les rails qui sombraient dans l’oubli et les arbres dont les branches semblaient soudain se briser. Toile écartelée.
On racontait que c’était une représentation de la surface mais au fond qu’en savait-on réellement ? Après la Catastrophe les survivants s’étaient réfugiés sous terre et avaient battis le Souterrain. Toutefois cela devait faire des décennies voir des siècles que personne n’était remonté à la surface et nul ne savait d’où provenait ces tableaux. Certains parlaient d’un peintre fou de l’ancien temps ou encore de reliques d’avant la Catastrophe mais cela faisait longtemps que nul ne s’était de nouveau intéressé à l’origine de ces tableaux, les habitants n’y trouvant aucun profit et les historiens préférant se pencher sur la Catastrophe elle même.
Les rumeurs sont orphelines.
Il l’appelait le Tableau malade et depuis qu’il l’avait découvert il hantait ses nuits. Un battement de paupière et des notes de couleurs semblaient éclore dans l’ombre, bulles de savon qui éclatent. Tous les jours en l’observant il songeait à sa résolution de le soigner, à ce rêve qui s’était immiscé en lui d’achever le tableau. Il ne se rappelait pas comment cette idée lui était apparu. C’était comme si, gravé en lui, il y avait toujours eu la certitude que ses petites touches de couleur éparses pourraient un jour enfanter un paysage.

Les barreaux de l’échelle étaient humides. Ses yeux aussi. Peut-être à cause de cette toile dont l’extrémité, bien qu’enroulée dépassa de son sac et des deux autres qu’il laissait derrière lui. Peut-être en raison de ces habitants qu’il quittait sans un au revoir, de ces historiens à la longue barbe qui très vite lui manqueraient et de ce sentiment pesant de fuir comme un voleur. Emportait-il la toile uniquement pour la soigner ou également pour une raison qu’il se refusait d’admettre ? N’avait-il pour seul but que de finir la toile ou bien souhaitait-il depuis longtemps, au fond, fuir le Souterrain ?
Il cligna des yeux et une petite goutte d’eau salée chuta au sol.
Peut-être était-ce simplement en prévision de la lumière du jour qui, bientôt, viendrait l’éblouir.

Les murs blancs et droits de la chambre où se découpaient de petites fenêtres. Les portes closes des salles de cours qu’on ouvrait parfois pour avoir un peu d’air.
Les lignes du grillage encerclant la cour de récréation et ces barreaux sur la feuille. Ce crayon entre mes mains -pression- que l’on brise et ces lèvres que mes doigts ont cousu.
Je me fous du talent de Rimbaud.
J’admire ses rébellions.
Ses fugues.
« Dis, tu m’enseignes la Liberté ? »

S’il avait su serait-il redescendu ? Aurait-il ramené le tableau dans le Tunnel ? Nul ne lui avait dit qu’après la Catastrophe tout était devenu noir et blanc, effrayant paysage de photographie. Le ciel était pâle et les arbres semblaient recouverts de poussière.
Il jeta un coup d’œil en bas : l’échelle était comme coupée en deux au niveau de l’entrée du Souterrain. Sur sa partie inférieure il distinguait la mousse verdâtre et les traces de rouille sous-jacente avant que, plus haut, ne disparaisse toute couleur.
Rapidement il se hissa au sommet de l’échelle sur des rails d’un gris sale. Machinalement il se vit attraper la manche de son pull et commencer à frotter le métal à ses pieds tandis que son esprit s’éloignait :
« Qu’est ce que vous faîtes Monsieur ? »
Des souvenirs, en noir et blanc.
« Je nettoie l’échelle. »
Son regard vers la surface.
« Elle mène où l’échelle ?

  • A un chemin de fer il paraît. »Il fronce les sourcils.

« Faudra le nettoyer aussi le chemin de fer ?

  • Probablement. »

Un sourire. Le sien ou celui du monsieur, il ne sait plus.
« Qu’y a-t-il au bout du chemin de fer ? »
Un clin d’œil malicieux.
« La mer. »

Je n’ai jamais réussi à fixer les couleurs, à les décrire. Ce n’était pas important pour moi, un détail, comme si les nuances étaient infinies et qu’il m’était impossible de choisir.
Y a-t-il plus de mots ou de teintes ?
J’aime la nuit et ses histoire en noir et blanc, neiges éternelles.
Alors, de ne pas choisir, je me sentais libre.
Il marchait. Un pas après l’autre sur les lignes du chemin de fer comme les mots s’alignent sur le quadrillage des feuilles de papier.
J’écrivais.
Des trains contorsionnés dans d’immenses crevasses et des morceaux de tôle égarée, des arbres penchés sous le poids des nuages et la peur au fond du regard.
Où allait-il avec son tableau malade qu’il ne pourrait jamais soigner et ses bras trop grands qu’il ne savait qu’enrouler autour de ses jambes.
Il cherchait des réponses à des questions inconnues.
A nier la réalité de la surface, les habitants du Souterrain lui avaient-ils fait perdre toute couleur ? N’existe-t-on que dans le regard des autres ?
Je crois qu’il cherchait quelqu’un sans savoir qui se présenterai à lui tout comme la feuille attend le regard sans savoir de quel lecteur il viendra.

« Regarde ! La mer ! »
Une voix aux milles couleurs, comme un flash dans l’obscurité. L’enfant se retourna. Dans le lointain il aperçus un petit garçon un peu plus jeune que lui, ses grands yeux tournés vers l’horizon et son poing refermé sur le vide, comme s’il voulait entraîner quelqu’un à sa suite. Il ressemblait à un papillon…
Soudain l’enfant se mit à courir sur les rails et il le perdit de vue, étincelle qui vacille.
« Attends ! » Cri pour retenir le temps alors que tout s’accélère : un tableau se met en marche tandis qu’un garçon se retourne et ce sont désormais deux paysages qui courent l’un vers l’autre.
Puis tout se figea et ils se firent face. L’un, accroupi, avait un sac sur le dos et l’autre serrait dans son petit poing une main invisible. Alors, sans un mot, comme s’il avait toujours dû en être ainsi, le Maître des Couleurs prit l’enfant dans ses bras.

Il m’avait entraîné. Vers la mer et mes origines, vers mon avenir peut-être aussi. Ses petits doigts avaient saisi ma main pour la guider vers cette feuille, océan sans couleur. Je crois qu’il ne voulait plus être seul.
« Tu sais peindre ? » avait-il demandé.
J’écris pour cet enfant. Pour tous les enfants.
Pour ceux qui n’ont pas encore grandi et ceux qui ne meurent jamais, terrés au fond de nos cœurs. Pour ceux nés au milieu des guerres , entre quatre murs ou dans les banlieues dortoirs, pour les exilés du bonheur et les rêveurs en pointillés, ces enfants qui marchent à cloche pied sur les lignes noires et blanches de la réalité.
Pour l’innocence de l’Humanité.

C’était comme si l’enfant accompagnant le Maître des Couleurs connaissait cet univers par cœur, comme s’il avait participé à sa création pierre par pierre, écoutant au loin les plans de l’architecte.
« Je voudrais te présenter trois amis. »
Dans la mémoire du petit Maître les souvenirs étaient flous, comme brouillés.
Il se souvient avoir suivi l’enfant sur des rails longeant l’océan jusqu’à un croisement d’où s’élevaient des voix. En tailleur sur le chemin de fer et formant un petit cercle il avait découvert trois êtres étranges, si vieux qu’ils semblaient être nés en même temps que l’univers. Deux étaient des femmes et le troisième, un homme, s’exprimait à grand renfort de gestes tandis que l’enfant tirait doucement la manche de sa tunique :
« Non petit, laisse nous finir notre tableau, il y a encore de nombreux points dont nous devons discuter entre nous. »
Jamais il n’oubliera le regard triste de l’enfant et la couleur qui semblait s’en échapper, rêve envolé.
« Mais…on m’avait dit que l’océan pouvait prendre toutes les couleurs. Pourquoi est-il gris ? »
Sans lui prêter attention ils se remettaient à parler de tableaux disparus et de la Catastrophe, d’un monde où soudain les couleurs s’étaient fanées et d’une toile inachevée. Ils fouillaient leur souvenirs à la recherche de teintes oubliées, voulaient finir un tableau qu’ils ne possédaient plus et le faire à l’image d’un paysage qui s’était tût.
Bien qu’étant à quelques mètres à peine d’eux, la conversation parvenait de façon fragmentaire au maître des Couleurs, comme lorsqu’une feuille tombe d’un arbre et qu’alors l’arbre lui même devient flou et semble s’effacer. Ce soir là, la feuille était une échelle en bordure du croisement et elle s’élevait vers les nuages à l’infini.
Alors, oubliant la toile malade et les peintres fous, la Catastrophe et le Souterrain, il déposa son sac au sol puis sorti sa palette de couleurs et ses pinceaux.
… « Les tableaux, ils sont trop hauts, je n’arrive pas à les soigner. » Souvenirs d’un enfant perdu.
« Ce soir je te construits une échelle Petit Maître, ne t’inquiète pas. » Une voix rassurante.
… « Elle mène où l’échelle ? » La même voix des années plus tard, auquel répondit le sourire des peintres.
« A tes plus beaux rêves. »

Une marche puis une autre. En bas ils n’étaient plus que trois : l’enfant était parti rejoindre la mer.
Un pas puis un autre. Jusqu’où s’élèvent nos rêves ?
Soudain il s’arrêta, humecta son pinceau du bout des lèvres puis le trempa dans une couleur. Un rouge, un beau rouge couleur de rouille.
Et lorsqu’il le posa sur le ciel ce dernier rougit. Peut-être l’avait-il ému…
Un peu plus bas, en écho, une petite tâche sur l’océan se teinta de rouge et, assis sur les rails en face de la mer, un enfant sourit.

Le premier geste de liberté est d’écrire. Avec un pinceau ou une plume, un burin dans la pierre ou une corde pincée et d’enfin briser les chaînes de nos esprits. Les siennes d’abord puis celles de la société.
Après il n’y a plus grande différence entre les rêves et la réalité. Juste une histoire de teinte.

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12th août 2014

Emission de radio

Salut !

Petit interlude avant la suite de En Noir et Blanc. Je vous présente enfin l’émission de radio réalisée l’année dernière en Février et dont je vous avez déjà parlé. Jacky et son fils ont eu la gentilesse de me l’héberger sur internet car je n’y arrivais pas. Je les remercie donc !!

Vous pouvez écouter l’émission de radio à ce lien.

J’espère que cela vous plaira, et n’hésitez pas à continuer la discussion par commentaires.

Bye et bonne écoute !

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17th mars 2013

Passage à la radio !

Salut !

Je fais ce petit post afin de vous avertir d’une chose : je vais passer à la radio ! (quoi je répète le titre, pas grave ^^).

Tout a commencé à la Toussaint par la rencontre d’un auteur, Pascal Payen Appenzeller, qui m’a alors proposé de passer à son émission de radio. Je tiens en passant à remercier Jacky et son frère qui ont permis cette rencontre. C’est ainsi que lundi 4 mars a été enregistrée cette émission, juste après la fin de mes cours et avant que je ne saute dans le train pour rentrer chez moi. Bien sûr je remercie aussi Pascal Payen Appenzeller pour tout le temps qu’il m’a accordé…et que j’espère il m’accordera encore ^^ !!

Cette émission sera diffusée sur Radio Courtoisie les 29 et 30 mars.

Ce post a également pour but de diriger les futurs lecteurs qui souhaiteraient obtenir la version complète ou simplement relire les textes dont il est question dans cette émission.

Textes cités dans l’émission (pas dans l’ordre, je ne m’en souviens plus bien):

- Théâtre de mon âme

- Aquarelle

- Censure de l’imposture

- En bleu marine

- Rosée

- Sur le fil de l’horizon

- Lettre à Oscar Wilde

- Lettre à un enfant

Si vous avez envie de me contacter, commentez…vous pouvez soit me laisser un commentaire soit allez dans la rubrique contact

Bye et bonne lecture / relecture.

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