Souffle Mots

Luciole (6°partie).

31st janvier 2009

Luciole (6°partie).

Salut !

Ce mardi on était en congé…quel bonheur ! En plus mes grands-parents étaient là !

Aujourd’hui je vous présente la sixième partie de Luciole, j’espère qu’elle vous plaira.

Bye et bonne lecture.

1- Première partie          6- Sixième partie

2- Deuxième partie         7- Septième partie

3- Troisième partie         8- Huitième partie

4- Quatrième partie        9- Neuvième partie

5- Cinquième partie

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Luciole

 

    Les graviers roulent et s’entrechoquent. J’abandonne ma tâche pour dévaler l’escalier quatre à quatre.

Je n’ai pas l’oreille assez fine pour savoir si c’est le vélo de Lucie ou de Mika mais j’espère au fond que c’est celui du petit.

Je ne prends pas le temps de passer un imperméable et déboule hors du phare.

Mon coeur bat vite. Je cours. Mika…dis moi que c’est toi…

Je dérape sur le sol, me rattrape au mur et tourne à l’angle du hangar.

C’est Lucie.

De ses douces lèvres j’ai tout oublié, je ne pense plus qu’au petit. C’est étrange comment le coeur fonctionne.

« Alors ? »

Ses yeux me fixent.

« Il est à l’hôpital. »

Je me retiens au guidon du vélo.

« Ce n’est pas très grave. Il a le nez ainsi deux côtes cassées. »

Je n’arrive pas à parler, ma bouche est sèche. Que dire ? Lucie m’emmène dans le salon et je m’assois.

« Sa mère assure qu’il est tombé de bicyclette mais les docteurs sont septiques. »

Elle se lève et va me chercher un verre d’eau.

« Non. » Elle se retourne.

« Il n’est pas tombé de vélo. C’est sa mère. » C’est à son tour d’être surprise.

« Tu veux dire que c’est elle qui lui a fait ça ? » J’ acquiesce.

Elle s’assied en face de moi.

« Je ne te l’ai pas dit mais tous les week ends il a de nouveaux bleus et des griffures. Le soir où je l’ai trouvé tu te souviens, il était blessé. En vérité je crois qu’il fuyait sa mère. »

J’ai la voix qui tremble et je lutte pour ne pas pleurer. C’est horrible de se sentir impuissant.

« Tu devrais aller leur dire ce que tu sais et passer voir Mika, je suis sûre qu’il serait ravi. »

Je secoue la tête.

« Jamais je n’irai au village. » Ma voix est ferme.

Tout à coup Lucie se lève d’un bond :

« Mais arrête ! Arrête d’avoir peur ! »

Elle crie. Lucie crie ! Mais Lucie ne s’est jamais énervée…

« Tu ne vas pas passer ta vie enfermé dans un phare ! Tu ne fais qu’alimenter ta phobie. Oui Erwan, ce n’est qu’une phobie ! C’est ton esprit qui l’invente. Avant tu allais au village, tu osais ! Désormais tu t’enfermes dans ta bulle. Erwan, la peur ne mène à rien ! » J’ai les yeux grands ouverts et je suis enfoncé dans le fauteuil. Lucie est debout et me fixe. L’océan entier pèse sur moi.

Soudain toute colère disparaît et la tempête s’apaise. Je retrouve alors le visage qui m’est si familier.

« Je suis désolée…je ne sais pas ce qui m’a pris. Je tiens à toi et ce n’est pas en vivant reclus que tu seras heureux. »

Il y a des dizaines de réponses qui s’offrent à moi tel « Qu’importe les autres, c’est toi que j’aime. » ou « Vivre seul ne me gène pas si tu es près de moi. ». Cela serait si simple ! Pourtant je réponds tout autre chose :

« Je sais… » Et dans moins d’une minute je vais regretter cette réponse, c’est toujours comme ça.

Imaginez deux continents, la solitude et l’amour, et séparez les par un gouffre, le courage.

Il suffit de sauter certains disent. Mais ils oublient le « et si ». Et si je chute ? Rien que l’idée de tomber m’effraie. Alors je préfère les illusions c’est plus facile.

« Tu as raison je ne suis qu’un peureux. » Voilà ce que l’on obtient lorsque l’on pense trop : on se met à parler à voix haute.

« Peut-être…mais tu n’es pas le seul. »

Je relève la tête et la fixe étonné.

« Cela ne se voit pas, mais depuis que je suis petite j’ai peur. »

Elle a le regard baissé et tourne dans sa main un collier.

« Tu n’es pas obligé de dire.

 - Si. J’ai dénoncer ta phobie, je l’ai pointé en te disant de t’améliorer alors que je n’ai pas encore surmonté la mienne. Je veux me faire pardonner.

 - Mais tu peux… »

Son regard vif me dissuada de poursuivre. Elle sourit.

« Je suis née dans une famille aisée et jusqu’à l’âge de neuf ans j’ai connu le confort et le bonheur. Mes parents étaient divorcés et depuis deux ans je vivais avec mon père. Il s’était remis avec une femme mais cela ne me gênait pas car je la voyait très peu.

Tous les soirs ils rentraient à la maison avec de la nourriture à profusion et des sacs entiers d’achats puis ressortaient sans plus attendre, probablement pour aller au casino ou au restaurant.

Mais un jour Papa est rentré seul, sans rien. « On déménage demain ma chérie. » m’a-t-il dit.

A l’époque je ne savais pas mais plus tard j’ai compris que cette femme l’avait manipulé puis l’avait escroqué. Elle l’avait convaincu d’entrer dans un commerce illégal dirigé par un membre de sa famille et il a tout perdu. Quand son patron a appris l’affaire il l’a viré.

Il s’est alors retrouvé au chômage avec une gamine sur les bras et on a dû quitter la ville pour emménager dans un H.L.M car il était endetté et avait été obligé de vendre notre maison.

J’ai perdu mes amis, et mes repères.

Rapidement mon père a retrouvé du travail mais ce n’était pas assez pour qu’on puisse vivre comme avant.

Il essayait d’économiser pour nous sortir de ce pétrin et je le voyais à table se priver pour satisfaire l’appétit de l’adolescente que j’étais.

Un jour, ma mère trouvant sa situation trop précaire m’a prise avec elle.

Je retrouvais le confort mais je perdais mon père.

Et tout cela à cause de cette femme… » Il y avait de la haine dans sa voix.

« Depuis j’ai peur d’être un jour au chômage et que l’enfer recommence.

Quand j’ai terminé mes études et que j’ai commencé à chercher un travail je me suis jurée de ne pas reproduire l’erreur faite par mon père : mélanger vie privée et vie professionnelle. »

Lucie ferme les yeux, elle semble fatiguée, vide.

« J’ignorais que tu avais peur. »

Des dizaines de réponses s’offrent surement à elle, pourtant c’est celle-ci qu’elle choisit :

« Je sais… »

 

    Depuis ma fameuse discussion avec Lucie deux mois se sont écoulés. Je ne suis pas allé au village mais Lucie me tient au courant de la situation.

Nous n’avons plus reparlé de ma phobie ni de son passé, et c’est mieux ainsi.

Mika est sortit de l’hôpital depuis plusieurs semaines déjà et il se repose chez lui. Lucie n’a pas donné la véritable raison de l’accident n’ayant aucune preuve et parce qu’elle pense que la mère aurait ensuite refusé qu’elle voie son enfant.

D’après Lucie Mikaël ne parle toujours pas, mais elle sait qu’il m’appelle car quand elle est près de lui il tend son index vers la mer à travers la fenêtre de sa chambre.

Pour les médecins son mutisme reste incompréhensible, normal, ils ne le connaissent pas. Mais je connais Mika et je sais pourquoi il se tait : il a peur.

 

Moi, je me cache pour échapper à la foule, Lucie se renferme sur elle-même ne voulant pas reproduire l’erreur de son père et Mikaël refuse de parler à cause de sa mère.

 

Plus il parle plus sa mère s’énerve et plus elle le bat. Alors il se tait.

J’en ai discuté avec Lucie. Elle dit qu’il faut attendre, qu’un jour il finira pas surmonter sa peur. Pourtant j’ai trente quatre ans et je panique encore lorsque je me retrouve au milieu de la foule. Alors comment un enfant de six ans voyant tous les jours sa mère pourrait réussir ? Je l’ignore.

Demain Mika reprend les cours mais il n’ira pas à l’école.

Il n’y a pas longtemps Lucie m’a dit cette phrase : « Si on ne fait rien, un jour sa mère le tuera. »

Alors j’ai pris ma décision. Lucie n’en sait rien mais bientôt elle saura, car demain je kidnappe Mikaël.

 

    

    Je suis assis à mon bureau, une feuille blanche devant moi, un stylo à la main. Des centaines de fois j’ai voulu dire la vérité à Lucie mais je n’y suis jamais arrivé. Je me dis qu’à l’écrit peut-être y parviendrai-je.

Je commence donc ma lettre.

« Chère Lucie… »

Non. Je la roule en boule, la jette par terre et prends une autre feuille. C’est dur. Je réfléchis à toutes les formules possibles mais une seule semble pouvoir me convenir :

« Luciole… »

 

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24th janvier 2009

Luciole (5° partie).

Salut,

Hier soir j’ai terminé une nouvelle que j’avais commencé une semaine auparavant. Vous ne pouvez pas savoir combien je me suis régalée à l’écrire ! J’adore être prise dans une histoire même si cela me fait me coucher à minuit…Ce qui m’a un peu étonné hier c’était que j’écrivais plus facilement avec de la musique que sans tandis que généralement j’ai besoin d’un calme quasi-complet. De même je me demande pourquoi je me casse la tête à tenter de trouver des chutes à mes nouvelles avant de commencer à les écrire alors que le moment venu elles m’apparaissent toutes seules ! C’est la deuxième fois que ça me le fait…

Mais c’est vrai que je ne vous ai pas encore montré une seule de mes quatre nouvelles…faudra que j’y pense…

Sinon aujourd’hui je vous présente la cinquième partie de luciole (on arrive à la moitié !). J’espère qu’elle vous plaira et surtout n’hésitez pas à me dire ce que vous en pensez, toutes les critiques sont les bienvenues !

Bye et bonne lecture.

1- Première partie          6- Sixième partie

2- Deuxième partie         7- Septième partie

3- Troisième partie         8- Huitième partie

4- Quatrième partie        9- Neuvième partie

5- Cinquième partie

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Luciole

 

    Il est midi et nous sommes assis dans la cuisine. Le repas sort tout juste du four et il dégage une délicieuse odeur. Pourtant je ne mange pas.

La nourriture tourne et retourne dans mon assiette sans jamais arriver à ma bouche. Mon ventre gargouille et j’ai très faim. Néanmoins je ne peux rien avaler.

« Tu t’inquiètes ? »

Lucie me fixe depuis un moment et mon manque d’appétit la préoccupe. Je cligne des yeux. J’ai pris cette habitude de Mika.

« Si tu veux cet après-midi je peux aller me renseigner au village. C’est probablement juste un contre-temps, il n’y a pas de quoi s’en faire. »

Ce matin Mikaël n’est pas venu. Je l’ai attendu pendant des heures mais il n’est pas venu.

J’envisage le pire. Peut-être qu’il est tombé dans un fossé et s’est cassé une jambe, ou alors sa mère refuse qu’il continue à passer ses week ends ici.

Si je n’avais pas les bras appuyés sur la table je crois qu’ils se seraient mis à trembler.

Lucie doit le deviner car elle se lève soudain et enfile son anorak.

« Où vas-tu ?

 - Au village. »

Elle sort et se dirige vers le hangar. Je la suis.

« Mais tu n’as même pas fini ton assiette ! » Il pleut dehors et je dois hausser la voix pour qu’elle m’entende.

« Tu n’as qu’à la terminer toi même ! »

Tout à coup, même si je le désire depuis ce matin, j’ai honte de laisser partir Lucie seule au village. A force de lui faire part de mes inquiétudes elle doit se sentir obligée d’y aller.

« Attend ! »

Lucie se retourne surprise.

« C’est moi qui vais y aller. »

Elle a un doux sourire sur lequel s’arrêtent les gouttes d’eau avant de dévaler son petit menton.

« Ne dis pas de sottise. Tu es sur les nerfs et tu n’as rien mangé. Je te vois mal pédaler une demi-heure sous la pluie dans cet état. »

Elle détourne son regard de mon visage pour le porter sur l’horizon.

« De plus le brouillard se lève et tu es de loin celui qui sait le mieux t’occuper du phare. »

Je suis debout face à Lucie, mes habits dégoulinant, les cheveux collés contre mon front et je ne sais plus que faire.

Mais Lucie sait, elle sait toujours tout.

« T’en fais pas. »

Elle s’approche de moi et m’embrasse sur la joue.

J’ai la chair de poule mais ce n’est pas parce que j’ai froid, c’est à cause d’elle.

« Luciole… »

Elle est encore à quelques centimètres de moi.

« Je suis petite je sais, mais ce n’est pas une raison pour en rajouter. » s’exclame-t-elle en riant.

Elle fait demi-tour et enfourche son vélo.

« A tout à l’heure et occupe toi bien d’Etoile ! »

Elle disparaît lentement derrière la brume et s’efface de ma vue. Pourtant je ne bouge pas. J’ai l’impression que ses lèvres humides sont encore collées contre ma peau.

« Luciole… »


     J’observe le ciel. En plus du brouillard qui m’empêche de voir à plus de cinq mètres à l’horizon des nuages bas planent au dessus de l’océan déversant une fine pluie.

Il y a dix minutes j’ai sonné la corne brume pour prévenir les bateaux du danger.

La côte en cet endroit peut être meurtrière pour les marins inattentifs et malgré tous nos efforts nous avons déjà vu s’échouer sur la plage des caisses de bois ou des naufragés.

Je tourne et retourne l’instrument dans mes mains. Je sais que je devrais être plus vigilant et ne penser à rien d’autre que faire mon travail du mieux que je peux. Mais c’est impossible, mes pensées voguent de Mika à Lucie comme si elles étaient à la dérives.

Où peut-il bien être ? Lucie l’a-elle retrouvé ? Mais surtout pourquoi Luciole, d’ordinaire si distante et en apparence si froide et vide pour un inconnu, a-t-elle fait cela ? D’accord je ne suis pas un inconnu, mais de là à ce que ses lèvres m’effleurent ! Non elle ne m’ont pas seulement frôlées, elles se sont posées sur ma joue, s’y sont appuyées pour s’en détacher ensuite…j’en tremble encore.

Evidemment pour un amoureux éperdu le plus petit regard est une délivrance, un retour d’amour. On cherche dans les recoins de chaque sourire la preuve que nous ne sommes pas seul à aimer.

Mais comment reconnaître le « bon » signe, alors que l’immense sourire du reporter était faux, alors que dans la rue tout le monde nous dévisage.

Comment savoir si c’est « le » regard, « le » sourire ?

Et c’est précisément cette question qui en cet instant me ronge de l’intérieur et m’empêche de me concentrer. On devrait interdire à un amoureux de travailler, il pense à tout sauf à son boulot.

Je me lève et descends dans la cuisine pour me rincer le visage. J’ai bien besoin de me rafraichir les idées, je dois avoir l’air d’un somnambule.

Je retourne ensuite dans la coupole. Quand il faut attendre autant le faire intelligemment.

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16th janvier 2009

Hors-phelin

Salut !

Comme je vous l’avais dit, voici un poème pour vous sortir un peu de Luciole. J’ai écrit ce texte pour un concours de poésie sur le thème de l’idéal et de l’amour.

Cette semaine je l’ai montré à ma prof de français et après avoir écouté sa critique j’ai changé les deux derniers vers que je mets à côté en italique. Je voudrais avoir votre avis sur l’ensemble bien évidemment mais également pour savoir lesquels des vers sont les mieux pour conclure le poème.

En espérant que cela vous plaira,

Bye et bonne lecture.

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Hors-phelin

 
 

Deux grands yeux sont assis seuls entre quatre murs.

Deux larges pupilles courent sur la peinture.

Le dernier obstacle, l’immense porte blanche,

S’entrouvre lentement et vers le rêve penche.

 
 

Deux petits poings brûlants sont collés l’un à l’autre.

Deux mains tendues offrent leurs espoirs aux apôtres.

Des doigts affectueux caressent ses cheveux,

Ce seul geste d’amour c’est ce que l’enfant veut.

 
 

Deux tympans résonnent du son de l’avenir.

Deux oreilles voudraient réapprendre à sourire.

La pierre du verdict au fond de la mer plonge

En noyant l’idéal car seuls flottent les songes.

 
 

Un maigre nez pleure, nul ne le réconforte.

Une bouche s’ouvre quand se ferme la porte.

L’idéal se flétrit comme l’enfant aimant : / L’idéal se flétrit pour l’enfant qu’on isole,

« Adieu Monsieur, Madame. Adieu Papa, Maman. » / Le soleil se voile pour l’enfant tournesol.


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9th janvier 2009

Luciole (4° partie).

Salut,

Oui, malheureusement les vacances sont terminées…et en plus, je suis partie de Marseille trop tôt :( J’aurai tellement aimé voir ma ville sous la neige…

Sinon les vacances ont été fructueuses et je suis parvenue à écrire trois poèmes en plus de la nouvelle dont je vous avais parlé, dont un participe à un concours, je vous le montrerai :)

Aujourd’hui je vous présente la quatrième partie de Luciole en espérant qu’elle vous plaira et vous intéressera autant que le début.

Bye et bonne lecture.

1- Première partie          6- Sixième partie

2- Deuxième partie         7- Septième partie

3- Troisième partie         8- Huitième partie

4- Quatrième partie        9- Neuvième partie

5- Cinquième partie

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Luciole

    Que s’est-il passé ? J’ai un trou noir. Je me souviens juste du petit et de la porte qui claque, puis plus rien. J’ai probablement dû pleurer avant de tomber d’épuisement. Je me frotte les yeux. Autour de moi il fait sombre. Combien de temps ai -je dormi ? Une couverture est posée sur moi. Je la retire silencieusement et me lève.

« Tu vas bien? » Lucie est assise sur son fauteuil, je ne le remarque que maintenant.

« Tu ne dors pas ?

 - Je voulais savoir comment tu allais. J’ai eu peur tu sais, tu n’avais pas fait de crise depuis longtemps… »

Je ne vois pas son visage mais je le devine. Elle a les traits tirés par la fatigue autant que par l’inquiétude, pourtant elle tente de me sourire. Elle est comme ça Lucie, jamais elle ne dévoilera ses sentiments. Mais je la connais trop bien pour me laisser abuser.

« Tu n’aurais pas dû… »

Cette phrase, elle l’a elle même prononcée deux ans après notre rencontre lorsqu’elle a découvert le pot aux roses. Je n’avais jamais voulu lui dire ignorant comment elle réagirait. « Pourquoi » m’a-t-elle demandé. Quand je lui ai expliqué que j’avais peur que cette révélation ne change son attitude et sa vision de moi, elle a juste répondu : « Tu n’aurais pas dû. »

Mais depuis je ne regrette pas de lui avoir dit : c’est bien de pouvoir partager les secrets, surtout quand ils sont lourds à porter.

Je me dirige vers ma chambre et ouvre la porte. Je suis prêt à le refermer lorsque je me retourne :

« Merci.

 - Bonne nuit. »

 

     Les jours suivants sont plus calmes. Je me détends et passe du bon temps à lire au soleil. Je montre Nuage à Lucie. Elle dit que c’est un jolie prénom, j’en suis fier.

Tous les weekends Mikaël vient nous rendre visite et cela arrive souvent qu’il dorme au phare.

Chaque samedi matin je guette son coup de klaxon (il se déplace tout le temps à vélo). Il ne parle pas encore mais cela ne l’empêche pas de faire du bruit. Il court sur les graviers, rit, patauge dans les flaques d’eau.

J’aime le prendre dans mes bras et le faire tourner en l’air, j’aime faire la course avec lui et me rouler dans l’herbe humide du matin en le chatouillant.

J’aime lui apprendre les rituels de la mer, les marées, le nom des oiseaux, j’aime le voir comprendre et j’aime quand il tend son petit doigt vers l’océan en souriant.

En fait je crois que j’aime ce gamin, parce qu’en semaine, lorsqu’il n’est pas là, son regard innocent me manque.

Bien sur je ne l’aime pas comme j’aime Lucie, c’est différent. On ne peut pas aimer de la même manière une femme et un enfant de six ans. Pour Lucie on peut appeler cela un désir et pour Mika plutôt de l’affection. Mais tout deux sont élevés à un tel degré que ça en devient de l’amour.

Tous les weekends je découvre sur le petit une plaie ou un bleu en plus, que ce soit sur les bras, les jambes ou parfois même le visage. Néanmoins je mets cela sur le compte du vélo. Il ne doit pas très bien savoir en faire ou alors il pédale trop vite et se déséquilibre facilement; c’est tout.


     Je cours après Mikaël. Il bondit de tous côtés pour éviter mes assauts infructueux et son rire emplit les alentours. Parfois j’accélère et me rapproche de lui mais dès que je tends la main pour l’attraper il détale encore plus vite et l’écart s’agrandit de nouveau. Je décide alors d’employer la ruse et pendant qu’il a le dos tourné pensant que je le suis, je me cache derrière un arbre et le guette. Il se retourne alors et me cherche du regard puis commence à faire marche arrière. Lorsqu’il n’est plus qu’à deux mètres de moi, je saute hors de ma cachette et lui saisit le bras.

D’habitude il se débat et repart en courant ou il fait semblant de se rendre pour que je déserre ma prise, mais là il s’arrête et une grimace de douleur tort son visage.

« Mika… »

De ma main libre je soulève la manche de sa chemise.

Tout son bras est meurtri, couvert d’ecchymoses et strié en de nombreux endroits par de longues marques rectilignes qui ont dû saigner récemment. Du premier coup d’oeil je comprends que c’est la même blessure que celle que j’ai soigné le soir où je l’ai trouvé.

Soudain l’enfant s’agite et s’enfuit vers Etoile.

Il ne s’est pas fait cela en vélo, j’en suis sûr. Une idée me traverse alors l’esprit mais je n’ose pas l’envisager et la formuler encore moins.

Je regarde Mikaël, son visage est de marbre et il est adossé à la porte. Je refoule au fond de moi toutes pensées et le rejoins.


     Les jours défilent et je pense de moins en moins à cet évènement…ou alors c’est que j’essaie de l’oublier.

L’été arrive à sa fin, les jours raccourcissent et il pleut plus fréquemment, mais cela n’empêche pas Mikaël de venir et moi de l’attendre.

Souvent lorsque le temps est couvert Lucie me prend par le bras pour que je m’abrite à l’intérieur. Je crois qu’elle a peur que je n’attrape mal.

Je ne saurais dire pourquoi mais Mika nous a rapproché Lucie et moi.

J’aime ma Luciole mais je suis trop timide pour aller vers elle et Lucie, même si elle est très attentionnée, reste pour une raison inconnue, toujours distante.

Néanmoins grâce à Mikaël nous mangeons désormais couramment ensemble et il nous arrive même de parler du petit à table.

Elle sait que je tiens beaucoup à lui et je ne le lui cache pas. Quel mal y-a-t-il à aimer un enfant ?

 

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1st janvier 2009

Luciole (3°partie).

Salut !

Tout d’abord j’espère que vous avez tous passé un bon Noël ainsi qu’un bon réveillon. Pour ma part je l’ai fêté tranquillement avec la famille et une amie.

Je vous souhaite alors à tous une bonne année 2009 (ça me fait bizarre de l’écrire…), plein de bonheur et de réussite dans quelque domaine que ce soit.

Sinon à Marseille tout s’est bien passé et j’ai même réussi à trouver le temps pour écrire une nouvelle (et oui, où que je sois je suis obligée d’écrire…).

Néanmoins je vous présente aujourd’hui la troisième partie de Luciole, car vu qu’il y en a à peu près dix il faut bien avancer :)

J’espère qu’elle vous plaira et n’hésitez à me dire ce que vous en pensez, anciens ou nouveaux visiteurs !

Bye et bonne lecture.

1- Première partie          6- Sixième partie

2- Deuxième partie         7- Septième partie

3- Troisième partie         8- Huitième partie

4- Quatrième partie        9- Neuvième partie

5- Cinquième partie

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Luciole

    De nouveau je suis étendu sur le sol, seul. Lucie et le petit sont partis au village juste après manger. Pensif je tortille un brin d’herbe. Cela m’arrive souvent d’être laissé en tête à tête avec Etoile et cette solitude temporaire ne me gène pas. J’aime le calme.

Je me souviens quand je suis arrivé au phare à dix-neuf ans j’ai passé la première année sans la compagnie ni l’aide de personne. Alors lorsque Lucie est arrivée, au début je lui en ai voulu : c’était une intruse.

Mais elle m’a rapidement prouvé qu’elle était très compétente…ou alors c’est que je suis tombé sous son charme trop vite.

Je me lève. Je n’ai rien à faire aujourd’hui à part surveiller le feu de temps à autres et je décide de continuer mon projet.

Je l’ai commencé il y a dix ans et je le poursuis chaque été à mon temps perdu. Il se tient fièrement à cent mètres du phare, à l’écart de la mer, et il semble infirme ainsi posé sur son treuil. Tous les hivers je le rentre à l’abri mais en cette saison je ne le protège que par une bâche. Ce n’est qu’un modeste voilier de petit taille mais il est tout en bois et je le trouve magnifique, probablement parce que c’est moi qui l’ai conçu. Je ne lui ai toujours pas trouvé de nom pourtant il ne me reste plus qu’à le peindre.

Je vais dans le hangar derrière Etoile où sont entreposés les vélos grâce auxquels on se rend au village et les outils divers dont nous avons besoin pour réparer le phare.

Je prends un pot de peinture blanche et un large rouleau puis resort.

A deux heures de l’après midi j’ai fini.

Je vais me confectionner un sandwich dans la cuisine puis reviens près du bateau et m’allonge.

Ne croyez pas que je fainéante, je réfléchis : il faut bien que je lui trouve un nom.

Mon regard se perd dans le ciel bleu tandis que je me torture l’esprit. Soudain un nuage passe et j’ai une illumination : Nuage. Ce voilier sera comme un nuage dans l’océan du ciel. Je me lève alors et inscrit sur la coque, son prénom en bleu.


     « Alors ça s’est passé comment ? » Lucie vient d’arriver et je l’aide à rentrer son vélo.

« Il a juste un gros rhume. Pas de quoi s’inquiéter. Je l’ai déposé au poste de police et ses parents devraient venir le chercher en fin de matinée. »

Elle a les cheveux en désordre à cause du vent mais ils sont toujours aussi beaux. Ils me rappelent les tempêtes d’hiver, incontrolables et mystérieuses. Mais Lucie n’est pas tout à fait comme la tourmente : elle est très silencieuse. On discute peu, même à table, et ça me convient très bien vu que je ne saurai quoi dire.

Le premier soir de son arrivée elle m’a annoncé : « On efface le passé, nos origines, nos défaites et on reprend tout à zéro. A l’instant même j’appartiens au phare et l’erreur n’est plus permise, cela tant que je travaillerai ici. D’accord ? »

Quand elle parle c’est presque toujours du travail. Certains pourrait croire qu’elle n’a que cela en tête mais je pense plutôt que c’est une facade. En fait j’en suis sûr. Il suffit de regarder ses sourires complices, son regard malicieux ou sa lèvre inférieur blanchire d’inquiétude car elle se la mort trop fort.

Jamais Lucie ne m’a parlé de son enfance, et moi non plus, mais ça m’est égal car c’est Lucie au présent que j’aime et le passé ou le futur n’y changeront rien.

Nous entrons dans le phare et nous nous affalons dans les fauteuils.

« Tu as dit au docteur qu’il ne parle pas ?

 - Oui. Il a répondu que c’est probablement dû à un choc psychologique. »

Elle a de petits yeux et semble perdue dans un autre monde.

« Je n’y avais pas pensé, lui dis-je, mais d’un côté c’est évident : c’est traumatisant pour un enfant de passer une nuit seul dans la nature. »

Je pivote vers elle : « Ca va? »

Elle relève la tête et me sourit : « Je suis juste fatiguée. Toute cette animation au village, je n’y suis plus habituée. A croire que tu déteins sur moi. » Elle rit. Je souris.


     Soudain les graviers s’entrechoquent, des pneus crissent, des portes claquent. J’entends des éclats de voix, des ordres jetés à la volé, le bruit du matériel que l’on déplace, que l’on monte.

Sans plus attendre je sors du salon en courant, contourne le phare et m’arrête près du hangar.

Deux camionnettes sont garrées en bordure du chemin. Il y a bien une dizaine d’hommes et de femmes, des journalistes armés de micro, des reporters avec leur bloc de questions, des machinistes qui sortent des caméras, des perches et d’autres instruments que je ne connais pas.

Je sens une main se poser sur mon épaule. C’est Lucie.

« Désolé, je ne savais pas. »

Un homme s’approche tout en continuant de donner des ordres à droite et à gauche. Arrivé à ma hauteur il me fait un grand sourire:

« Bonjour, je suis journaliste et je travaille pour… »

Je n’arrive pas à entendre ce qu’il dit, ma respiration s’accélère et je transpire.

« …d’accord d’être interviewer pendant cinq minutes… »

J’entends Lucie répondre quelque chose. L’homme acquiesse puis fait demi-tour et crie : « Allez on se dépèche, on a une demi-heure pour boucler cet article ! »

Je tremble et ce n’est pas parce que Lucie est près de moi et qu’elle me tient le bras.

Une petite voiture s’arrête et une femme en descend. Elle est grande et robuste. « Dehors ou je t’enferme, je ne vais pas t’attendre ! » Elle a le visge dur et une voix grave.

Un enfant sort tête basse. Sa mère le prend par la main et se dirige vers nous.

« C’est lui. » Me murmure Lucie. Sur le coup je ne le reconnais pas mais quand il relève le menton il me sourit, et chaque sourire est unique.

« Alors petit. » Il se jette dans mes bras.

« Mikaël, reviens ici tout de suite. » La femme se tourne vers moi : « Je m’excuse monsieur, il n’obéit jamais et n’en fait qu’à sa tête. Mais je vous remercie de l’avoir sauvé. Il ne m’a pas écouté et il s’est perdu. » Elle lui agrippe le bras : « J’espère que ça te servira de leçon. » L’enfant acquiesse.

« Où est son père ? demande Lucie près de moi.

 - A Paris. Il y a quatre ans il m’a quitté me laissant m’occuper du gosse seule. Il travaille beaucoup et n’a jamais le temps de voir son fils. » Sa voix est froide tout comme son regard.

Soudain l’équipe de tournage m’encercle, une caméra devant, un preneur de son à droite, une perche au dessus de moi et un journaliste à ma gauche. Lucie s’écarte…

« Nous allons interviewer Monsieur Erwan… »

Je ferme les yeux pour me calmer.

« Pouvez-vous nous raconter comment vous avez sauvé cet enfant ? »

J’ouvre les paupières. Ils sont tous autour de moi, ils me fixent.

« Monsieur ? »

Je craque.

Je fais volte-face et fuis vers Etoile tout en bousculant deux personnes sur mon passage.

Autour de moi le brouhaha est infernal, des mains essayent de me retenir, d’autres s’écartent apeurées.

J’ai la tête qui tourne. Au loin j’entends la voix de Lucie; elle doit surement leur expliquer.

J’entre dans le phare et claque la porte derrière moi.

Enfin le silence. Je souffle. Même si le calme n’est pas parfait, ça y ressemble. Je me laisse glisser contre le mur et m’assoie.

Il faut que j’essaie de me calmer mais ce n’est pas facile. Je regarde autour de moi et me raccroche à chaque élément familier. La petite lampe posée près de mon fauteuil, la maquette de bateau sur le buffet, la table basse soutenant nos deux verres d’eau…

La poignée de la porte bouge.

« Qui-est-ce ? » Pas de réponse. J’inspire un bon coup, me lève et vais ouvrir. J’ai confiance en Lucie elle n’ameutera pas les reporters devant le phare, elle me connaît.

Lentement le visage interrogateur du petit apparaît. Il me fixe. Je le fais entrer et referme la porte derrière lui.

De nouveau je m’adosse au mur et le serre contre moi.

« Alors comme ça tu te nommes Mikaël. » Il acquiesse.

« Moi c’est Erwan. » L’enfant pose sa tête sur mon épaule et je lui caresse les cheveux. Au bout d’un moment il se lève et pointe du doigt la porte.

« Non Mika, je ne sortirai pas. » Son regard me questionne.

« Je suis ochlophobe. J’ai peur de la foule, et c’est l’unique réponse. »

Il cligne des yeux puis repart comme il est venu. J’enfouis alors mon visage dans mes mains tremblantes. J’ai honte.

 

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