Souffle Mots

Luciole (8°partie).

26th février 2009

Luciole (8°partie).

Salut !

Une courte semaine que je suis en vacances ! Ca fait du bien… Ce week end je pars au ski 4 jours avec mon père, je vais pouvoir, comme chaque année, m’émerveiller devant la neige…

Je vous présente aujourd’hui la 8° partie de Luciole. Je viens de remarquer qu’il n’y en aura pas dix mais neuf, c’est donc l’avant-dernière !

La première photo que j’ai utilisée provient du site d’un photographe.

N’hésitez pas à me dire ce que vous en pensez.

Bye et bonne lecture.

1- Première partie          6- Sixième partie

2- Deuxième partie         7- Septième partie

3- Troisième partie         8- Huitième partie

4- Quatrième partie        9- Neuvième partie

5- Cinquième partie

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Luciole

 

    La porte claque. Je me retourne. Il doit être trois heures du matin mais un enfant est là, debout sur le seuil. Personne ne le remarque à part moi :

« Qu’est-ce que tu fais ici gamin ? »

Il ressemble à un ange avec ses cheveux blonds en broussaille et son regard suppliant; c’est l’innocence même.

Pourtant il a les yeux rouges d’avoir trop pleuré; les anges ne devraient pas pleurer.

« Papa…Je veux mon Papa… »

De petites larmes roulent le long de ses joues.

« Il n’est pas là ton Papa. »

Ses sanglots redoublent.

« Il m’a dit qu’il rentrerait pas tard, qu’il prendrait juste un verre. J’ai peur tout seul à la maison. Papa… »

Il est droit, ses petits poings serrés contre ses cuisses. « Reviens… »

Les personnes nous fixent moi et l’enfant, mais surtout l’enfant.

« Papa ! » Il hurle littéralement et ses larmes s’écrasent au sol. Son regard est levé vers le plafond comme si ce dernier pouvait entendre sa complainte. Une voix retentit au fond de la salle :

« Eh môme dégage ! On n’veut pas de toi ici, tu nous fais chier avec tes jérémiades ! »

Je reconnais la voix de Steve. Certains l’imitent. « Va-t-en ! » , « Fous le camp ! »

Les pleurs de l’enfant augmentent.

Soudain j’ai un haut le coeur. Je me lève en vitesse. Trop vite. La pièce se met à tourner et un instant je vois noir. Je me dirige vers les toilettes et le petit me suit je ne sais pas pourquoi.

Tout à coup une main m’arrête, c’est Steve.

« Tire toi du milieu que je fasse regretter au gamin d’être venu nous emmerder. »

Je le regarde, je ne comprends pas ce qu’il dit. Comment me suis-je retrouvé entre lui et l’enfant ?

J’ai envie de vomir et j’ai l’impression qu’un marteau tambourine dans ma tête sans relâche.

Ce n’est pas la première fois que Steve est brutal et agressif pourtant il n’a jamais menacé de frapper un enfant.

Le petit pleure toujours mais ce n’est pas lui que j’entends, c’est les autres.

« Fous le dehors ! »

« Le protège pas ou c’est toi qui prends ! »

« Mais faîtes le taire ! »

Toutes ces voix dans ma tête…

« Frappe le ! »

…inhumaines…

« Oh, le chialeur ! »

…qui s’insinuent…

Steve m’agrippe par le col.

« Dégage du milieu. T’as pas intérêt à ce que je te le dise une troisième fois. » Je tremble.

Sa voix est calme, effrayante…autoritaire…

Je ne sais plus où je suis, ce que je dois faire.

Et cet enfant qui pleure derrière moi, qui me donne mal à la tête. Ces voix, ces menaces…je me sens si faible.

Je m’écarte.


    Ils sont bien trente à attendre devant le portail de l’école. La plupart sont en groupe, ils rient et s’échangent des cartes ou des billes.

Je suis dans un coin à l’angle de la rue principale et je les observe. Je n’aurais jamais cru le dire un jour mais j’attends le mien.

Parmi la foule des écoliers agglutinés sur le trottoir je cherche un enfant seul et en retrait, mais je ne le trouve pas. J’ai du mal à discerner leur visage et il en arrive de toute part.

Lucie est près de moi et guette Mikaël des yeux. Cependant même si nous sommes deux c’est comme chercher une aiguille dans une motte de foin.

Tout à coup tous les regards se tournent vers la cour de l’école et le concierge arrive clef à la main.

Il ouvre le portail et les élèves s’engouffrent à l’intérieur tel un troupeau de moutons. Moins d’une minute plus tard il ne reste plus un enfant sur le trottoir .

Je m’assieds sur une marche, triste.

« Il est peut-être en retard, attendons encore. »

Lucie a toujours été pleine d’espoir et il suffit de voir son sourire confiant pour être rassuré.

Pourtant là je n’y crois pas. Quelque écoliers pénètrent encore dans l’école mais aucun n’a le visage de Mika.

Cinq minutes plus tard quand le concierge revient fermer les portes, je ne bouge pas.

« Allez Erwan, on reviendra demain. T’en fait pas. »

Je regarde Lucie.

« C’est bien toi qui m’a dit ça : Si on ne fait rien, un jour sa mère le tuera. » Elle acquiesce.

« Et si « un jour » c’était demain ? S’il n’est plus là quand on revient ? » J’ai les larmes aux yeux et la gorge nouée. Lentement les souvenirs refluent.

« On pourra alors se dire qu’on aura fait le maximum. »

Je secoue la tête :

« Non, j’aurais pu faire plus. J’aurais pu venir au village dès son premier jour d’hôpital. J’aurais pu… »


     J’aurais pu éviter tout ça. J’aurais pu ne pas m’écarter, avoir du courage pour une fois.

Mais je n’ai rien dit, j’ai laissé Steve le tabasser. Il l’a frappé jusqu’au sang et à chaque coup je me disais cette même phrase : « C’est ma faute. C’est ma faute. C’est ma faute ! »

Pourtant je ne l’en ai pas empêché. J’ai regardé. Et quand Steve en a eu fini et qu’il l’a balancé dehors dans la nuit froide, je n’ai pas bougé.

Je n’ai pas appelé d’ambulance, je n’ai même pas été le voir.

Ils avaient tous leur regard sur moi, ces regards qui te disent « Si t’appelles les flics, t’es mort. »

J’ai été faible, je les ai écoutés. Pourquoi ?

La seule chose que j’ai faite c’est vomir au milieu du bar et ça n’a pas sauvé l’enfant.

Le lendemain quand un passant l’a retrouvé au bord de la route, c’était trop tard.


     « Papa ! » Je me retourne. C’est stupide je sais je n’ai aucun fils. Vous avez déjà vécu ça je pense : quelqu’un crie votre nom dans la rue, ce n’est pas le votre mais vous vous retournez. Là c’est pareil.

Des chaussures martèlent le sol tel mon coeur martèle ma poitrine. Mais Mika ne parle pas, c’est impossible que ce soit lui.

Soudain je suis propulsé par terre et des bras d’enfant viennent s’enrouler autour de mon cou.

Je n’ai plus de doute. Je ris.

« Mika… »

Je le serre contre moi.

« Je suis désolé de ne pas être venu plus tôt, mais tu comprends je pense. » Il cligne des yeux.

Il a beau savoir parlé ce n’est pas pour autant qu’il va se lancer dans une grande discussion. Je le prends dans mes bras et me lève.

Alors que je commence à remonter la rue Lucie me rejoint en courant.

« Que fais-tu ? » Je lui souris mystérieusement.

« Faire ce que j’aurais dû faire depuis longtemps. »

 

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18th février 2009

Luciole (7°partie)

Salut !

Plus que deux jours avant les vacances ! Si seulement on pouvait être maître du temps…

Enfin, aujourd’hui je vous présente la suite de Luciole, j’espère qu’elle vous plaira.

Bye et bonne lecture.

1- Première partie          6- Sixième partie

2- Deuxième partie         7- Septième partie

3- Troisième partie         8- Huitième partie

4- Quatrième partie        9- Neuvième partie

5- Cinquième partie

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Luciole

    Un caillou vient frapper contre ma fenêtre. Je me réveille en sursaut et m’approche pour voir qui est là. C’est Steve, Jud et toute la bande. Ils ont garé la voiture sur le bord de la route et l’un d’eux est descendu pour se planter devant mon immeuble.

Il fait nuit et il est une heure du matin. Je plisse les yeux pour essayer de discerner son visage mais sans succès. Néanmoins à sa voix il à l’air en colère, c’est surement Steve.

« Bordel qu’est- ce que tu fais ! Ca fait depuis une demi-heure qu’on poireaute au parking. Magne toi, on va être en retard ! »

J’enfile rapidement un pantalon et une chemise avant de crier par la fenêtre : « Désolé je dormais ! »

Je ne vois pas sa réaction car je lace mes chaussures mais j’imagine qu’il doit me prendre pour un cas irrécupérable à rester au lit au lieu de sortir fêter mon anniversaire. Je l’entends du hall d’entrée :

« Erwan ! T’as dix-huit ans réveille toi ! »


     Je dévale l’escalier. Je ne sais pas pourquoi je cours, il n’est que sept heures et le soleil vient à peine de se lever. Mikaël ne sera pas à l’école avant huit heures et j’ai le temps. Pourtant je descends les marches quatre à quatre comme si j’avais le diable à mes trousses. Mais peut-être est-ce autre chose que je fuis. Ce cauchemar… Je passe en trombe dans la cuisine où Lucie est en train de prendre son petit déjeuner.

« Où vas-tu comme ça ?

 - Au village. »

Je claque la porte derrière moi.

Un fin crachin commence à me mouiller le visage. J’enfourche mon vélo et m’engage sans plus attendre sur le sentier.

Très vite j’ai froid et au bout de dix minutes mes habits trempés me collent au corps.

Peut-être que j’essaie d’échapper à mes dix-huit ans. Peut-être au contraire que je cours vers mon futur.

Mais une chose est sûre; tout deux portent le même nom : Mika.


     Je descends de voiture. Nous ne sommes encore que sur le trottoir mais les rires tonitruants des clients bourrés me parviennent sans mal.

Steve pousse la porte et on le suit dans le bar. Les conversations, la musique et les engueulades s’écrasent contre mon visage toujours à moitié endormi.

Jud passe son bras autour de mes épaules, à côté de lui j’ai l’air d’un frêle gamin.

« Cinq bières ! C’est moi qui paye. »

Dix minutes plus tard on en est déjà à notre troisième pichet.

J’ai mal au coeur, je supporte très mal l’alcool comparé aux autres. Peu de temps après je suis accroupi au dessus des cuvettes en train de vomir.

Comme anniversaire c’est pas super faut avouer, mais c’est ça ou rien. Les serveuses sont mignonnes et il y a une bonne ambiance cependant j’ai l’impression d’être un étranger, c’est pas mon milieu et c’est pas mon style de fille. Mais je ne vais pas le dire aux autres, ils se moqueraient de moi.

Je me lève, essuie ma bouche du coin de la manche et sort. Toute la bande est saoule. Certains se sont mis debout et dansent sur les tables, tanguant comme des bateaux à la dérive.

D’autres comme Jud et Steve se bagarre en cassant des verres. Dès qu’ils boivent ils deviennent agressifs, c’est pas de leur faute. C’est sur ça serait mieux s’ils étaient joyeux, mais bon il faut pas trop en demander non plus…

Je m’assoie à part près de la porte et je commande une autre bière.

Je ne pense pas que je sois ivre, j’ai juste mal à la tête et au ventre. Le problème c’est que j’ai conscience de ma faiblesse et de ma différence. Ils disent toujours ça les autres : « Ouai, mais toi c’est différent. »

Parfois je donnerai tout pour être comme eux, rire, me battre, grimper sur une chaise pour dire à voix haute ce que je ressens…

Mais je n’ai ni l’alcool joyeux ni l’alcool agressif; moi quand je bois, je deviens dépressif.

J’enfouis mon visage entre mes mains collantes. Plus personne ne fait attention à moi, je ne suis qu’un fantôme, miroir de mon échec et de ma solitude.


     Je m’arrête. Devant moi se tiennent les maisons de pierres toutes bien alignées, serrées les unes aux autres, ainsi que ce petit panneau qui signale que j’entre dans le village : « Bienvenue. ».

Je me mets à trembler. Il pleut toujours et seules quelques souris se risquent dehors.

J’ai peur. Vous devez sûrement ne pas comprendre mais si je fais un pas de plus je ne serai plus rien comparé à eux, une fourmie qu’il suffit d’écraser.

J’ai l’impression qu’ils vont tous sortir en même temps pour m’entourer, m’oppresser tels les journalistes avec leurs micros et leurs questions.

Si j’entre je crains de ne plus être maître de moi-même. Je ne parle pas de refaire une crise, c’est autre chose. Quand cela m’arrive je ne contrôle plus mon corps mais ça ne me gène pas vraiment tant que je maîtrise encore mes décisions.

Cependant au milieu de la foule qui peut dire ce qu’on est capable ou non de faire ? Ils nous manipulent comme un boulanger pétri le pain, ils peuvent nous élever au rang de divinités ou nous inculquer que nous sommes des moins que rien.

En réalité j’ai peur de leur influence. Lucie, ce qu’ils nous font ce n’est pas mon esprit qui l’invente…

Plus j’y pense plus j’ignore ce qui m’effraie le plus; le village et ses habitants, ou mes dix-huit ans ? Lorsque j’ai quitté Etoile je croyais savoir, mais le doute resurgit toujours au moment le plus crucial.

Parfois je me dis que je ne pourrai pas éternellement fuir la foule; mais c’est dur d’ignorer qu’un jour j’ai eu dix-huit ans et qu’un jour j’ai été faible.

Je sais que je devrais avancer mais c’est comme si tous mes muscles se rappelaient ce qu’ils m’ont fait : je recule.

Soudain une main m’arrête et m’empêche de faire demi-tour pour m’enfuir.

Je sens un souffle chaud dans mon cou.

« Luciole…

- C’est moi. »

Elle m’attrape par l’épaule. Si je me retournais mes lèvres effleureraient surement les siennes; mais je ne peux pas elle me tient fermement.

« Avance n’ai pas peur. »

C’est plus facile à dire qu’à faire. Une question m’apparaît.

« Pourquoi es-tu venu ? Tu n’aurais pas dû quitter le phare. »

Je ne la vois pas mais je suis persuadé qu’elle sourit, probablement l’intuition après quatorze ans passés à ses côtés.

« Tu as plus besoin de moi que lui. »

C’est à mon tour de sourire avant de me raidir brutalement :

« Si on nous surprend ici, tous les deux, c’est pour le coup qu’on perd notre boulot. »

Elle ne répond rien. Elle a peur, je le sens; sa main est crispée autour de mon bras.

« Avance; si l’un de nous ne peut surmonter sa peur, il doit au moins aider l’autre à le faire.

 - Pourtant tu es venue… »

Ses ongles s’enfoncent dans ma peau.

« Avance je suis là. »

Alors je fais un pas en avant.

 

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5th février 2009

Je m’appelle Hiroshima.

Salut !

Vous savez, depuis mardi ma mère est partie quelques jours pour voir ma grand-mère et je découvre petit à petit les joies de la cuisine (avec les raviolis sans sel ni beurre) ou les problèmes du rangement ! Ca me fait bizarre tellement j’ai l’habitude qu’elle soit là…

Sinon je vous présente aujourd’hui une nouvelle (comme promis). Je l’ai écrite il y a environ 1 mois et demi pour une amie. Le thème était donné et m’a beaucoup gêné. Il fallait partir d’un fait divers mais nous n’avions pas le choix. Je ne vous donnerai pas le sujet pour ne pas vous révéler l’histoire. Je l’ai écrite en un après-midi (il faut dire qu’il fallait que je la donne à mon amie le lendemain…) et comme je vous l’ai déjà dit auparavant c’est un des cas où la chute m’est apparu inconsciemment sans que j’y pense.

Je vous laisse juger vous même de cette première nouvelle et me dire ce que vous en pensez pour tenter de progresser.

Bye et bonne lecture.

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Je m’appelle Hiroshima.

 

     J’ai quarante-cinq ans et je m’appelle Hiroshima. Ce n’est pas un nom banal je l’avoue mais mes parents étaient des originaux et de grands historiens. Lorsqu’ils m’ont vu naître un 6 août, un de ces matins où on a l’impression que le soleil ne se lèvera jamais, le doute sur ma future identité n’a plus été permise. Et maintenant c’est trop tard.

Comment voulez-vous que je leur dise que j’aurai aimé être nommé Pierre, Paul ou Jacques comme tout le monde ?

Comment leur dire aujourd’hui, alors que je suis assis sur un banc branlant dans la ville de Lyon que j’aimerai parfois que l’on cesse de parler de moi en tant que « bombe ».

*****

     Il fait nuit et comme d’habitude je suis sur l’ordinateur.

Mes parents sont partis au restaurant il y a une demi-heure, soit disant qu’il avait besoin d’être un peu en tête à tête.

Je monte le son de la chaine stéréo à fond, peu importe ce que le voisin dira. De toute manière il peut bien venir se plaindre ça ne changera rien. « N’ouvre à personne. Tu m’entends ? Personne. Tu vas au lit et on ne revient pas tard. » C’est ce que Maman m’a dit avant de partir.

Pourquoi monter autant le volume de la musique ? Ce n’est pas que je fais une crise d’adolescence, ce n’est pas pour embêter mon monde, vous vous trompez, c’est tout autre chose : je suis seule et j’ai peur.

*****

     Je me lève. Si je suis sorti ce soir ce n’est pas pour prendre l’air.

Il y a quelques minutes j’ai inspecté les alentours : personne. D’un côté c’est un peu normal, on est en hiver et il a plu toute la journée. Je ne connais pas grand monde qui sortirait de son plein grès pour patauger dans la boue et attraper un rhume…à part moi.

Quoique il faut dire que mes intentions ne sont pas vraiment celles d’un habitant moyen du centre ville lyonnais.

Vous ne connaissez de moi que mon âge et mon prénom mais sachez que même si je m’appelle Hiroshima je suis également un homme avec un coeur; un coeur que l’on a trop souvent ignoré, trop souvent malmené et qui aujourd’hui est sur le point d’exploser. Un coeur qui part en fumée…

*****

     Je mets mon jeu en pause et je vais me chercher un verre d’eau. Dans la cuisine toutes les lumières sont allumées à part celle qui a claquée ce matin. En réalité c’est presque toutes les lampes de la maison qui sont allumées et que vous pensiez que c’est une réaction stupide de la part d’une adolescente peureuse n’est pas mon problème.

J’ouvre le frigo et remplis mon verre. Lorsque je le referme et que je fais demi-tour mon regard tombe sur le cagibis. Je n’aime pas cet endroit, il m’effraie. Je fixe un instant sa porte blanche coulissante et entrouverte. A l’intérieur il fait noir.

Devant moi des images de monstres apparaissent, se superposent et ma solitude me semble encore plus totale.

Je me ressaisis, détourne la tête et file rapidement vers ma chambre où je me sens un peu plus en sécurité. Je me raccroche à mon ordinateur et ma chaine stéréo…Je suis dans le monde réel, il n’y a pas de quoi avoir peur, je suis dans le réel et les monstres n’existent que dans le noir des cauchemars…

*****

     C’est la nouvelle-lune et seul le lointain éclat des lampadaires me procure un peu de clarté. Néanmoins je n’ai pas besoin de lumière, je sais où se trouve le bouton : dans ma main droite sous mon pouce. J’attends. Je réfléchis.

Pourquoi fais-je cela ? Pourquoi ne fais-je pas simplement comme tous les autres avant moi ?

Parce que j’en ai marre de cette Terre, de cette ville et de ces personnes qui ne savent plus voir autour d’eux, qui ne savent même plus distinguer si leur voisin est dépressif ?

Probablement les deux…

Probablement que j’ai envie de leur montrer que j’existe, de leur prouver que même s’ils le refusent je fais parti de leur vie.

Oui c’est ça, je vais leur montrer qui je suis, je vais leur montrer pourquoi je m’appelle Hiroshima.

Sous ma faible pression le bouton du déclencheur de la bombe électromagnétique s’enfonce. Je ferme les yeux et toute lumière disparait, ma vie s’envole.

*****

     Soudain mon ordinateur s’éteint, la musique s’arrête nette et sans savoir comment je me retrouve plongée dans le noir.

Je lache la souris et me dirige à taton vers l’interrupteur. L’obscurité subsiste.

Je commence à m’affoler et mon rythme cardiaque s’accélère. Je fonce dans la cuisine et fouille dans un tiroir à la recherche d’une lampe de poche. Je l’allume. Rien. Le noir.

Je transpire et jette autour de moi des regards terrifiés. Pourquoi maintenant ? Pourquoi quand je suis seule ?

Inconsciemment, poussée par le besoin du plus infime rayon de lumière je cours vers la fenêtre et ouvre les volets.

Je me frotte les yeux, tourne et retourne sur moi-même mais rien à faire.

Tous les lampadaires sont éteints, toutes les maisons sont éteintes…la ville est éteinte.

Je dois rêver, c’est impossible.

Sans même prendre le temps d’enfiler des chaussures j’ouvre la porte, sors dans le couloir et viens tambourinner à la porte du voisin.

Je sais que je l’embête toujours avec ma musique qu’il trouve horrible, que je me moque souvent de lui et que ni sa vie ni sa santé ne m’intéresse.

Pourtant ce soir je donnerais tout pour le voir.

« Hiroshima ! Ne me laisse pas seule ! »

Mais il ne répond pas. J’ai peur, je tremble.

Lentement je glisse contre le mur et me roule en boule.

L’obscurité a envahit ma maison, ma ville et désormais mon coeur.

Je pleure. « Hiroshima, revient… »

 

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