L’ange et la princesse (1/4)
Salut !
Je vous présente aujourd’hui la première partie d’un conte écrit peu avant les vacances de Noël. Je l’adore ! Quand je dis cela ce n’est surement pas pour me vanter de quoi que ce soit (j’ignore s’il vous plaira ou s’il est bien) mais pour la simple raison que ce doit être l’histoire que j’ai écrite qui m’a le plus passionnée. Quand je l’écrivais j’en oubliais mes devoirs, l’heure… C’est fantastique d’écrire tout en inventant. Bien sur je connaissais le déroulement général de l’histoire mais pas les détails et plusieurs fois je me suis retrouvée à avoir l’impression d’être le personnage principal. J’étais déçue à la fin quand j’ai dû la finir.
Je crois que je ne m’étais jamais autant donnée dans un conte, j’espère qu’il vous plaira, n’hésitez pas à critiquer et à me dire ce que vous en pensez !
Bye et bonne lecture.
L’ange et la princesse (2/4)
L’ange et la princesse (3/4)
L’ange et la princesse (4/4)
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L’ange et la princesse (1/4)
Il pointa l’épée vers l’enfant. Silence. Sur la lame du sang séché. Lentement il brandit l’arme au dessus de sa tête. L’enfant souriait, confiant.
Il était une fois un automate encastré fermement dans la roche au dessus de la porte d’une boutique de jouet à l’abandon. Le magasin était situé à l’angle d’une rue peu passante. Les pierres commençaient à noircir, les vitres étaient couvertes de poussières et à travers seule la pénombre était visible. Au sol les dalles étaient pour la plupart fissurées, cicatrices du temps. Cela faisait des dizaines d’années que nul n’était entré dans la boutique depuis la mort des derniers propriétaires. Des légendes racontent que de leur vie ils n’avaient jamais quitté ce magasin.
«Entre ces murs nous faisons bien plus que vendre de simples jouets, disait la vieille femme ; on fabrique.
Que fabriquez-vous ? Demandaient les curieux.»
Alors toujours au côté de sa femme un vieil homme répondait avec un clin d’œil : «Les secrets ne sont que des vérités à protéger. J’en suis leur chevalier.»
Et l’automate avait des allures de reine, figée sur son socle de pierre, trône d’éternité. Malgré les années elle resplendissait, réverbère dans l’obscurité.
Depuis quelques jours tous les soirs l’automate voyait arriver un enfant sautillant de joie et de gaité. Les dalles instables ne le gênaient pas, démarche divine.
Il tenait entre ses petites mains une boite à chaussures comme si c’était la chose la plus précieuse qu’il possédait. Arrivé à la hauteur du magasin l’enfant s’arrêtait devant la porte et levait la tête.
«Princesse, offre-moi un peu de ton âme, je me sens vide.»
L’automate se penchait alors vers lui, joignait ses mains afin de former un cercle, puis soufflait. Quelques secondes plus tard une bulle se dessinait, naissait tel un nouveau-né sort du ventre de sa mère, contour informe avant de devenir une sphère multicolore. Sans précipitation, sûr de lui, l’enfant ôtait le couvercle de la boite à chaussures et la dressait au dessus de sa tête. Dès que la bulle s’y était déposée il refermait avec précaution sa cage, s’inclinait puis repartait par où il était venu de sa même démarche insouciante.
Ceux qui croient que les automates n’ont pas d’âme c’est simplement qu’ils ne l’ont jamais eu entre les mains.
A cette époque j’étais jeune et insouciant, je n’appris que plus tard ce qui se déroulait la nuit à mon insu. J’étais encore innocent, de ces adolescents à l’esprit borné. Je ne pensais qu’à elle, princesse. A elle, elle, elle…
Elle était assise les jambes croisées, droite et le visage de profil. Une jupe plissée lui descendant jusqu’aux mollets découvrait des pies nus et fins. Elle dégageait une impression de calme et de paix, ses mains posées l’une sur l’autre sur ses genoux. Bien que n’étant pourvue d’aucuns bijoux sa svelte silhouette attirait immédiatement de regard, surtout son visage. Elle avait un étrange sourire, de celui qui dit : «Je sais quelque chose que tu ignores», de ces sourires mystérieux qui font tout le charme des femmes. Et il y avait ses yeux dans lesquels j’ai tellement aimé me noyer, sans profondeur, infinis, ils menaient à son âme.
Quelque chose en elle m’attirait, me séduisait. C’était plus que de la sensualité…de la féminité.
Cet après-midi quand je suis sorti des cours j’ai couru, j’ai couru à perdre haleine et quand mon cartable a commencé à me gêner, ralentissant ma course, je l’ai jeté au sol sans un regard en arrière.
Leurs rires retentissaient encore en moi, telle la houle ils revenaient sans cesse à l’assaut de mon cœur. Il y avait leurs regards, leurs moqueries, leur mépris : «Dans quelques années tu ramasseras des déchets dans la rue…dans quelques années tu seras au chômage…tu le fais exprès ou quoi ! Travaille !»
Quand je m’affalai contre un mur il faisait nuit depuis longtemps déjà. Je n’avais aucune idée de l’heure qu’il était, de lourds nuages masquant la voûte céleste. Solitude. Égarement. Mon visage entre mes mains.
Au bout d’un temps qui me parut interminable, calmé, je relevai la tête pour voir si je reconnaissais cette rue. Elle était étroite et il faisait sombre. Si j’avais fermé les yeux cela serait revenu au même…ou presque. Derrière moi il y avait une étrange lumière voilée par un peu de brouillard. C’était comme une apparition. Je restai longtemps à la regarder, envouté. La peur, la haine, la rancœur, la douleur ; envolées.
Soudain un bruit. D’abord lointain il devint de plus en plus précis. Quelqu’un s’approchait.
Effrayé je me cachai dans le renfoncement d’une porte un peu délabrée. Un morceau de bois m’écorcha le dos mais je ne bougeai pas et tendis un peu plus l’oreille.
Ce n’était pas le pas lourd des ivrognes ni celui feutré des gens malintentionnés. C’était comme un sautillement, une fugue. Intrigué je jetai un coup d’œil.
Un ange.
Ceux qui ne croient pas aux anges c’est simplement qu’ils n’en ont jamais vu. Les anges n’ont pas d’ailes dans le dos ou d’auréoles au dessus de la tête : ils ont un sourire radieux et un tendre regard. Les anges ne sont pas vêtus de blanc : c’est leur âme qui rayonne.
Si ce soir il n’y avait pas eu ce bout de bois qui laissait tomber au sol quelques gouttes de sang probablement que j’aurais cru que j’étais monté au ciel. Mais non j’avais mal, très mal. Cependant je n’osais pas bouger et briser le sortilège.
Je vis l’ange s’adresser à une princesse qui n’avait pas de couronne, je vis l’automate prendre vie et enfanter le monde entre ses mains avant qu’il ne soit piégé dans une petite boite à chaussures. Je vis l’ange s’incliner et repartir. Et la fugue s’éloigna avant de mourir.
Lorsque tout fut terminé je remarquai alors que j’étais frigorifié. Doucement je fis pivoter la porte contre laquelle j’étais adossé, y pénétrai, la refermai puis m’endormis.
Certains jours quand je doute de tout ceci je regarde mon dos dans un miroir. J’ai une cicatrice.
Comme pour chaque maison inhabitée, chaque demeure laissée à l’abandon, les villageois ne tardent jamais à s’en servir dans leurs légendes, leurs histoires d’horreur. Il paraît que quiconque pénètre dans la boutique de jouet devient fou. Mais c’est ce que les gens racontent…
Les jours qui suivirent, je retournai en cours. Était-ce pure folie que d’espérer qu’un jour les Hommes puissent changer ? Depuis ce soir où j’avais effleuré le paradis j’espérais.
Je sortis des cours. Mon cartable était situé juste quelques rues plus loin de là où je m’étais réfugié. Je l’avais vite retrouvé. En fait cette nuit là je n’étais pas perdu. Le matin, baigné par la lumière du Soleil le quartier avait retrouvé une allure familière. Toutefois ce n’était plus la même rue car la clarté aveuglante du jour étouffait les faibles rayons de…
«Pourquoi tu restes ici ? De toute manière tu n’as pas d’avenir !»
C’est douloureux d’espérer, c’est comme un morceau de bois dans le dos…sans raison…sans récompense bien des fois.
Ne pas réagir, ne pas se retourner. Ignorer.
Il y a trois jours je m’étais fait la promesse de revenir voir la princesse et son ange. Alors pour l’instant mon avenir s’arrêtait là et ça me suffisait.
La nuit était tombée et la vie avait déserté la ruelle. J’étais seul. Seul en face de la princesse. Je lui parlais comme si elle pouvait me comprendre. Je lui confiais mes doutes, mes espoirs, ma douleur toutefois aucun mouvement, aussi infime soit-il, ne l’animait. Elle était statufiée. J’avais fini par m’asseoir par terre en tailleur quand je perçus la fugue, douce mélodie. Je levai la tête. Un bond, une pirouette…l’ange arrivait.
De nouveau le même rituel s’effectua sous mes yeux ébahis mais à la fin, tandis qu’il s’inclinait devant la princesse, il se retourna et me salua d’un clin d’œil avant de repartir.
«Attends !» C’était la première fois que j’ordonnais à un ange. Je me levai et courus à sa suite. A-t-on le droit d’ordonner à un ange ? Je l’ignorais.
«Es-tu un ange ? » Il ne m’écoutait pas, il sautillait et moi j’avais tout le mal du monde à le rattraper. Soudain il tourna au croisement…quand je bifurquai il n’y avait plus personne. La rue était déserte. Je rebroussais alors chemin, déçu.
«Si tu es un ange, aide-moi.»
Mais j’étais encore trop jeune pour comprendre qu’être aidé c’est recevoir un peu d’amour et que ce n’est possible à la seule condition que l’on ait ôté de son cœur toute haine.
A cette époque je haïssais le monde.
C’était devenu une habitude. Tous les soirs je me rendais à la rue de la boutique de jouet. J’attendais et l’ange apparaissait. Je lui courais après puis il disparaissait, illusion qui s’effrite.
Mais les adolescents sont ainsi faits que dès que quelque chose leur résiste ils s’attachent d’autant plus à en percer le mystère. Mon mystère à moi il mesurait un mètre vingt. A première vue c’était un tout petit mystère sans intérêt. A part un fou qui donc aurait daigné porter attention à un ange déchu et à sa ridicule boite de chaussures ?
Un adolescent désespéré.
Ce soir là je m’en souviendrai toute ma vie. Il pleuvait à torrent sur la ville et même mon parapluie ne parvenait à m’abriter complètement. J’avais hésité à aller dire bonjour à la princesse mais je m’y étais finalement résolu. Je n’avais heureusement pas eu à attendre longtemps la venue de l’ange. Malgré le flux d’eau canalisé par la ruelle étroite il n’avait aucune difficulté à se déplacer. En réalité on eut dit qu’il marchait sur un océan. Il ne glissait pas, il n’éclaboussait pas. Il jouait sa fugue.
Cependant il était trempé. Ses cheveux mi-longs dégoulinaient sur ses épaules et ses vêtements lui collaient à la peau. Même les anges peuvent être mouillés.
«Princesse, offre-moi un peu de ton âme, je me sens vide.»
L’automate souffla alors et une bulle apparut.
«Attends !» Intrigué cette fois l’ange se retourna.
«Prends-le ; ça te sera utile, murmurai-je en lui tendant mon parapluie ; il ne faudrait pas que le monde éclate…» Je lui souris. Il fit un signe de la tête en guise de remerciement et agrippa de sa petite main la poignée recourbée du parapluie.
Il y a des instants de notre vie où tout se fige comme une photographie. Il était là en face de moi, à quelques centimètres. J’avais encore ma main sur le parapluie. Il venait d’y déposer la sienne. Et il y avait cette bulle de savon, seul élément nous séparant…ce monde arc-en-ciel. Autour de nous la pluie ruisselait, cadre mouvant à notre tableau. Elle nous enserrait, nous séparait du reste du monde, doux crépitement. Un ange et un cancre sous le même parapluie, un ange qui se protège du ciel. A l’école personne ne nous apprend à parler aux anges, personne ne nous apprend à sourire aux anges. J’étais immobile.
«Suis-moi» avait-il chuchoté. Mais ses lèvres n’avaient pas bougé. Peut-être l’avais-je rêvé.
Toutefois lorsqu’il avait fait demi-tour et qu’il était reparti, sautillant de plus belle, j’étais à ses côtés. Je fuguais.
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