Souffle Mots

Sy’tème.

24th septembre 2009

Sy’tème.

Salut !

Pour sûr les cours ont bien repris…les contrôles s’alignent et le temps d’écriture diminue. Ces deux dernières semaines j’ai été obligée de fractionner un poème en de nombreux morceaux (chose que j’affectionne peu). Il y a quelques jours j’ai lu Messieurs les enfants de Daniel Pennac (un vrai rush pour le terminer avant la vague de devoirs) et ces derniers jours j’ai commencé Candide de Voltaire pour le français…c’est complètement différent.

Enfin, aujourd’hui je vous présente un récit proche du conte écrit cet été. C’est une idée que j’ai reprise de l’hiver précédent mais que cette fois-ci je suis arrivée à traiter tel que je le souhaitais.

Bye et bonne lecture.

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Sy’tème.

 

    Il y a des milliards d’années un Soleil naquit et il a des milliards d’années une petite planète tellurique vit le jour que l’on nomma Terre.

Leurs vies étaient vouées à se mêler, se rencontrer mais si c’était la volonté du destin ou le simple hasard, nul ne le sut et nul ne le saura jamais. Quoiqu’il en soit cette alliance n’arriva pas toute seule et fut orchestrée par deux êtres étranges : l’un s’appelait Nadiron, fils du Soleil et l’autre, fille de la Terre, portait le doux prénom d’Aïga.

Ces enfants du Ciel ressemblaient en de nombreux points aux Hommes que nous sommes aujourd’hui bien qu’étant plus grands et ayant de magnifiques yeux couleur d’or. Néanmoins ils n’étaient pas non plus tout à fait semblables aux humains car ils avaient au fond d’eux des sentiments que nul Homme ne pourrait comprendre. Ces êtres ne ressentaient pas la douleur et jamais ils n’avaient versé une seule larme mais ils ne connaissaient pas plus le bonheur et pas une fois leurs yeux n’avaient scintillé de joie.

 

     Un jour à une date très éloignée, Nadiron posa ses pieds nus sur le sol pierreux de la Terre mais à la pensée de la mission que le Soleil lui avait confié son cœur resta vierge de tout voile de tristesse.

La planète sur laquelle Nadiron venait d’arriver était extrêmement convoité par l’astre, son père. Il souhaitait en réalité l’asservir et la transformer en simple rocher sans vie. Il avait d’or et déjà par le biais de son fils réduit en esclave les autres planètes du Système et nul n’avait résisté au pouvoir de Nadiron; ni le géant, enfant de Jupiter, ni la beauté séductrice de la fille de Vénus.

Alors en ce jour, l’ordre qu’avait reçu Nadiron pour sa dernière mission était des plus clairs : Tuer Aïga, fille de la Terre.

Pour ce faire Nadiron n’avait pas d’armes, du moins pas celles que nous connaissons. Il disposait juste de ses mains et de son corps tout entier car, pour reprendre la vie, il lui suffisait de toucher et tout être serait réduit en cendre.

 

     Cependant les choses se déroulent rarement comme on l’espère la vie, ne tenant souvent qu’à une réaction chimique au fond de notre cœur, une étincelle ou à un coup de foudre…

Lorsque le regard de Nadiron plongea sans peur dans le lac d’or des yeux d’Aïga, soudain le monde bascula. Tandis que la jeune fille était éblouit par la force et l’éclat de l’étranger ce dernier découvrit la beauté de l’innocence et de la simplicité, il découvrit la vie et l’espoir tel qu’il ne l’avait jamais vu: Aïga et Nadiron découvrirent en chacun le bonheur et l’amour.

Alors, après que Nadiron ce fut approché d’Aïga il s’arrêta à quelques pas d’elle et déclara de sa puissante voix :

« Ne me touche surtout pas. »

Mais la jeune fille continua d’avancer jusqu’à n’être qu’à quelques centimètres de lui.

« Pourquoi ?

 - Embrasse moi simplement de ton regard. »

En cet instant le Soleil passait au zénith et au même moment une voix s’éleva dans le coeur de Nadiron surpassant le chant de l’amour :

« Hâte-toi mon fils d’accomplir ta tâche ou mon courroux sera grand. Je te laissa encore quelques heures mais pas plus. Fais-vite ! »

Lorsque la voix fut retombée Nadiron fit volte-face, se détournant bien malgré lui de la splendeur des yeux d’Aïga pour aller s’asseoir sur un rocher.

Quand la jeune fille s’approcha de nouveau il tenait entre ses mains une étrange arme : un arc de pierre où était encochée une flèche de feu.

Le fils du Soleil se leva alors et se tourna vers le disque flamboyant, toujours haut dans le ciel malgré les heures qui s’étaient écoulées : « Écoute moi Père ! Je connais ta colère si je désobéis à tes ordres, elle est grande. Mais tu ignores encore tout de la taille de mon amour et il est plus grand.

Va te cacher mais observe bien le feu de la passion. Regarde; ressens comme il est douloureux d’aimer sans pouvoir toucher ! »

Nadiron, de sa force extraordinaire banda l’arc de pierre et décocha la flèche de feu. Cette dernière, sous le regard admiratif d’Aïga vint se planter dans l’astre qui plongea alors rapidement sous l’horizon , tâchant le ciel de son sang.

 

     La nuit était tombée et Nadiron espérait bien que jamais le jour ne se relèverait. Il était assis au côté d’Aïga et ses yeux noyés dans les siens scintillaient comme deux pépites d’or.

Ils scintillaient de joie pour la première fois mais également pour la dernière fois.

A peine quelques heures plus tard reparut à travers les pics acérés des montagnes la noire étoile :

« Enfants ! Vous avez voulu me défier et vos armes se sont pointées vers moi. Mais sachez qu’une étoile ne meurt que de son plein gré. Subissez ma colère ! »

C’est alors que, surgissant de nulle part, apparurent dans le ciel ensanglanté une centaine de météores, toutes dirigées vers la Terre. La mort s’approchait à la lumière du Soleil, elle s’approchait à pas de géant et bientôt elle pénétrerait dans l’atmosphère même de la planète.

C’est alors que Nadiron comprit que, nue, la beauté est éphémère mais qu’il suffit de la revêtir d’un manteau d’amour et d’un bouclier de dévotion pour qu’elle devienne plus forte.

D’affection Aïga était comblée mais il lui manquait encore une armure. Nadiron, après un dernier regard à sa bien aimée se mit donc à courir très vite, à une vitesse que nul n’imagine, avant de sauter hors de la Terre.

Il se métamorphosa alors en immense rocher avant de se mettre en rotation autour de la planète.

Durant ce temps les météores et les comètes s’étaient rapprochées et, tandis qu’elles s’apprêtaient à bondir sur leur victime, Nadiron les appela et sa voix tonitruante résonna dans tout le Système solaire.

C’est ainsi que le fils du Soleil se sacrifia par amour et que son corps se trouva marqué de centaine de cuisants baisers.

 

     Désormais il n’y avait dans le ciel plus l’ombre d’un danger mais alors que Nadiron brûlait d’envie de retourner auprès de l’élue de son cœur, cela lui fut impossible.

Malgré la force considérable que possédait le fils du Soleil, il avait dû pour se transformer voler la magie de l’Univers et il était désormais condamner à tourner autour de la Terre sous cette unique apparence.

Mais si Nadiron tentait de se réconforter en pensant à la protection permanente qu’il pourrait apporter à la planète; Aïga, elle, pleurait. Elle avait commencé à pleurer dès que Nadiron l’avait quitté, dès qu’elle avait compris que plus jamais elle ne pourrait embrasser ses yeux…

Aïga n’avait jamais connu la tristesse parce qu’elle ignorait ce qu’était le bonheur mais Nadiron avait allumé son cœur et l’avait réchauffé d’une douce chaleur. C’est pourquoi à son départ la douceur s’était dissipée pour laisser place aux cendres brûlantes d’un amour toujours vivant.

Néanmoins la fille de la Terre ne pleura pas simplement quelques minutes ou quelques heures; ses larmes furent versées durant des jours et des nuits tant et si bien que son chagrin la métamorphosa finalement en océan recouvrant presque toute sa planète.

Lorsque Nadiron apprit la nouvelle il voulut immédiatement serrer la jeune fille dans ses bras pour dissiper sa peine et il attira alors à lui les mers et les océans avant de les repousser de nouveau, effrayé qu’il puisse la toucher et lui ôter la vie.

 

     Par la suite une myriade d’êtres vivants naquit des larmes d’Aïga et ils purent jouir à la fois de la tiédeur du Soleil et de la protection de Nadiron bien que ce dernier disparût dès que son père se levait.

Il y a dans l’Univers une infinité de mystères mais le plus important n’est pas celui qui pèse sur son origine ou plane au dessus de son futur. Le plus beau et le plus grand mystère, c’est l’amour qu’il recèle.

 

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31st août 2009

La magie de l’amour.

Salut !

La semaine dernière j’étais à Marseille, c’était bien ; mais désormais je tourne en rond ne pouvant plus aller à l’Astrorama la semaine…alors j’écris !

Le conte que je vous présente aujourd’hui a été écrit en début de vacances, peu avant le premier juillet. J’espère qu’il vous plaira.

Bye et bonne lecture.

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La magie de l’amour.

    Il y a bien longtemps, à l’époque où l’imaginaire était maître dans l’Univers, la Terre fut créée par un étrange magicien qui la sortie de son chapeau pointue pour la présenter à ses camarades, fier et réjoui de son tour.

Néanmoins la Planète Bleue ne naquit pas d’un simple « abracadabra » ou d’une parole futile; sa naissance fut éclairée par les émotions, les sentiments du créateur, par des envies, des désirs, des idéologies et des aspirations…

 

     Il était une fois une voix puissante, tonitruante, qui chaque jour avec la vivacité d’un enfant faisait le tour de la Terre, passant par chaque prairie, chaque colline, chaque océan, chaque falaise, chaque désert et chaque regroupement d’hommes.

Et tandis qu’elle courait à travers monts et vallées, la voix hurlait. Elle criait tous les jours le même message et cette régularité était nécessaire car il s’oubliait très vite.

Ainsi chaque insecte, chaque oiseau, chaque poisson, chaque animal et chaque homme entendait ses paroles et pouvait s’en souvenir le temps d’un lever et d’un coucher de soleil.

C’est ainsi que les années puis les siècles passèrent. La Terre grandit et s’embellit mais la voix s’affaiblit.

Plus les décennies passaient plus ses jambes se fatiguaient et le cri, le hurlement que tous connaissaient ne devint bientôt plus qu’un murmure.

La voix ne portait plus aussi loin qu’auparavant et elle devait s’arrêter dans chaque nid, chaque tanière et chaque maison pour être sûre que tous perçoivent le message. Mais ces nombreux détours la ralentissaient considérablement et il lui fallait désormais une semaine pour faire le tout de la Terre.

Sept jours c’était six jours d’oubli, d’ignorance, d’obscurité…six jours pour que la peur, le noir, les rancœurs, les rivalités et la haine s’installent.

C’est ainsi que les rouages de l’esprit et du monde se déréglèrent.

Il y eut des épidémies, des famines, des complots, des pillages et des guerres.

Très vite le cri des couteaux, des fusils, des mitrailleuses, de l’agonie et des bombes surpassa le murmure de la voix.

Elle avait beau hurler sur les champs de bataille les mines continuaient de retentir.

Elle avaient beau tonner de toute sa force dans les forêts le son des tronçonneuses et des arbres que l’on brise ne s’arrêtait jamais.

Désormais c’était la voix qui dépérissait emportant avec elle son message.

Elle comprit à ce moment qu’elle ne pouvait plus assurer son rôle et qu’il était temps de passer le relai.

C’est pour cette raison qu’elle rassembla ses dernières forces et s’avança vers un enfant, seul, assis quelque part au milieu d’une grande métropole.

C’était un petit garçon triste dont le yeux embués de larmes étaient tournés de l’autre côté du trottoir vers une fillette à qui, il savait, il n’aurait jamais le courage de déclarer sa flamme.

Alors, sans un mot, sans le souffle d’un mouvement la voix s’introduisit dans son esprit et dans son âme.

Elle ne voulait pas le dominer ou s’en servir comme d’un instrument; elle souhaitait juste l’aider.

Tout doucement le murmure chuchota à l’oreille de l’enfant lui redonnant courage et espoir. Ce dernier se leva donc et s’approcha de la petite fille tandis qu’il portait en lui le message de la voix.

L’enfant lui prit la main puis l’embrassa avec toute l’affection qu’il avait pour elle et alors sans le savoir l’élue de son cœur devint la première personne à qui il transmit le message.

 

     L’amoureux écrivit des poèmes pour sa bien-aimée et très vite, portée par la voix en lui, sa plume s’en alla découvrir d’autres chemins : les praires de la plénitude, les collines de la vie, les océans de la conscience, les falaises de la volonté et les déserts de la solitude.

C’est ainsi au détour de chaque sentier et de chaque ligne un murmure s’élevait en lui, infime, et bien que l’ignorant, il inscrivait dans chacune de ses histoires le tendre messages de la voix.

Cet enfant fut nommé conteur amoureux ainsi que tous les autres qu’il aima et auxquels il fit don du message.

Des enfants et des adultes, qui ne sont rien d’autres que de grands enfants, des conteurs amoureux, il en existe dans chaque pays, chaque métropole, chaque village et dans chaque lieu où le message de la voix peut résonner.

On les appelle ainsi parce qu’ils protègent grâce à leur paroles leur planète, la paix, les leurs et surtout : l’amour.

Cette voix qui court en chacun d’eux, c’est celle du magicien, c’est celle qui répète chaque jour que la terre n’est pas née par magie mais qu’elle fut créée par amour.

 

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21st août 2009

Le sourire des peuples.

Salut !

 Aujourd’hui je vous présente un conte que j’avais écrit pour un concours mais qui n’a pas gagné. Le thème était : reconstruire les ponts et le dialogue entre les peuples.

J’espère que cela vous plaira,

Bye et bonne lecture.

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Le sourire des peuples.

 

    Sur la plage au bord de l’eau quatre enfants se faisaient face, chacun sur une île, chacun sur son pays. Tous quatre venaient d’avoir douze ans, ils ne s’étaient jamais rencontré et pourtant ils se connaissaient. Tous quatre regardaient les profondeurs de l’eau et ils se remémoraient se qui s’était passé dix ans auparavant.

Une disparition, un drame…le souvenir des larmes versées et qui avaient lié leur cœur à tout jamais…l’unique vision d’un père qu’ils n’avaient connu que de dos…une tête dans l’eau…

     Il était une fois un lac où avait émergé il y a bien longtemps quatre saphirs, quatre perles de vie : l’île de Moé, de Surde, d’Agle et d’Oni.

Ces parcelles de terre étaient habitées par des peuplades toutes uniques et aux caractéristiques propres car les habitants de chacune de ces îles étaient respectivement muets, sourds, aveugles et infirmes, ceci depuis des générations.


     Sur ce lac régnait une tradition ancestrale qui chaque année donnait lieu à une grande parade pour célébrer comme il se devait l’alliance de ces quatre peuples.

Ainsi à chaque commémoration les habitants quittaient les villes pour s’approcher des ponts et participer au spectacle.

Sur un immense bateau trônant au centre de l’étendue d’eau se rendaient les chefs des quatre îles avant que le brouillard ne les enveloppe. Pendant de longues minutes les habitants attendaient, accoudés comme des enfants aux rambardes des ponts tandis qu’ils retenaient leur souffle.

Alors soudain, illuminés par le reflet de la lune dans le miroir de l’eau, quand la brume se dissipait, le bateau réapparaissait paré des drapeaux de Moé, de Surde et d’Oni tandis que retentissait l’hymne d’Agle.

Mais un jour, lorsque le voile blanc s’était levé, les hommes, les femmes et les enfants avaient alimenté le lac de leurs pleurs. Pas un drapeau ne flottait sur les mâts, pas un chant n’égayait la triste soirée. Tel un soleil lorsqu’il se couche le lac s’était mystérieusement teint de rouge et le bateau s’était enfoncé sans bruit dans l’eau calme tandis que seul résonnait le soupir d’agonie du vent.

Depuis cette date les peuples avaient pris peur de leur confrères et la perfide méfiance, avec la douceur du brouillard s’était installée.

Sans qu’aucune raison ne fût mentionnée les habitants détruisirent les ponts un à un avant de s’isoler sur leur île et de laisser s’écouler les années.


     Dix printemps plus tard les peuples n’avaient toujours pas oublié et par temps calme ils pouvaient apercevoir au fond du lac l’épave du bateau.

Alors en ce jour, celui de la dixième commémoration du drame, les quatre enfants, Moé, Surde, Agle et Oni, se souvenaient de cet instant, de cette nuit où ils étaient devenus orphelins.

Durant leur enfance ils avaient tous, sans le savoir, été bercés de la même légende, celle qui les poussait en ce jour à fixer la surface limpide de l’eau, celle qui disait que l’épave du bateau recelait un trésor inestimable, le plus grand des trésors.

Néanmoins ce n’était pas l’appât du gain qui attirait ces enfants mais l’espoir de pouvoir enfin faire leur deuil; quel qu’ il soit…

Ce n’était pas avec haine qu’ils se regardaient mais avec compassion, avec leur cœur…


     Oni fut le premier à agir. Il jeta à terre les bouts de bois qui lui permettaient de marcher et il se laissa glisser dans le lac.

Pour la première fois il put se mouvoir.

Autour de lui la nature vivait; il la voyait et des poissons de mille couleurs le guidaient; autour de lui la nature murmurait et il entendait les battements du lac, de ce cœur malade, cette épave qui pourrissait en lui.

Alors à travers lui Agle retrouva la vue et Surde perçut enfin le chant de la vie. Ils n’avaient plus peur. Ils coururent dans l’eau à la suite d’Oni.

Et pendant qu’ils avançaient vers le trésor, Moé restait seul sur le sable. Dans sa tête résonnait les rires de ses frères qui avaient découvert le trésor et il pleurait en silence. Dans son esprit apparut la vision d’un coffre assis sur un trône de corail et il pleura encore plus fort parce qu’il savait que les coffres ne contiennent toujours que des pièces d’or et des bijoux.

Le deuil de son père, Moé l’avait fait depuis longtemps, mais jamais il n’avait accepté la disparition de l’Alliance.

La seule chose que Moé ignorait c’était pourquoi il savait tout.

Moé pleurait parce qu’il savait que l’argent n’apporte que les conflits et les guerres. Moé pleurait parce qu’il savait que la solitude n’était pas un bouclier mais un morceau de soir dont on se pare comme d’une armure. Moé pleurait parce qu’il savait qu’il était seul à tout savoir.

Et lorsque ses frères remontèrent en brandissant le coffre au-dessus de leur tête en riant, Moé pleura parce qu’il savait que la connaissance était un fardeau bien trop lourd pour un petit enfant qui se noie de tristesse.


     Surde, Agle et Oni traversèrent le lac et vinrent s’asseoir à côté de Moé, cette petite boule recroquevillée sur le sable humide de larmes.

Chacun d’entre eux avait de nouveau perdu ce que le lac leur avait offert un court instant mais cela n’assombrissait pas leur cœur car ils avaient connu et désormais ils pouvaient se souvenir et revivre ces minutes d’intense bonheur.

Ce fut alors avec un sourire rayonnant qu’ils tendirent le coffre couvert d’algues à Moé. Ce dernier ne souriait pas et son visage était de marbre. Quand on sourit on a envie de rire mais quand on rit et qu’aucun son ne sort on est triste.

Moé ouvrit le coffre avec précaution et lorsque le couvercle s’écrasa sur le sol dans un bruit mat il ne vit pas la lumière du soleil se reflétant sur les pièces d’or.

Il ne vit rien. Il entendit .

Il entendit le rire et les voix de dizaines de femmes, de dizaines d’Ondines. Leur chant s’éleva dans le airs et soudain Moé se souvint.

Sa mère, le rivage; lui.

Il y a dix ans, la solitude, le bateau; son père.

Les rires incompréhensibles, leur chevelure de démone; la peur.

Les corps qui bougent, l’obscurité, les ongles qui crissent sur le bois; le sang.

Alors Moé sourit parce qu’il venait enfin d’avoir la preuve que tout ceci n’était dû qu’aux Ondines et à leurs stupides jeux.

Néanmoins ce coffre contenait bien plus qu’une simple certitude, il représentait le rêve de Moé.

Les voix des déesses du lac emplirent les alentours avant de se rejoindre et d’emmitoufler l’enfant de leur magie.

Dans l’esprit de Moé apparut un vrombissement qui se transforma en un hurlement assourdissant puis se consuma en pénétrant dans chaque parcelle du corps du rêveur.

Quand le calme fut revenu l’enfant regarda ses amis un à un et lorsqu’il vit leur sourire, pour la première fois il rit et sous la surprise générale une voix légère et cristalline s’éleva.

C’était des sons timides et boiteux mais c’était probablement un des plus beaux rires qu’il fut permis au lac et à ses îles d’entendre car c’était le rire de la joie, de la vie et du bonheur. Ce rire était la clé de la délivrance, c’était une main tendue vers tous les peuples.


     Dans les jours qui suivirent Moé raconta à ses amis puis à tous les habitants les véritables circonstances du drame et l’Alliance fut refondée. Les quatre enfants devinrent les chefs de leur île respective prenant ainsi leur nom et ils ordonnèrent que les ponts soient reconstruits afin que l’entraide et l’amitié renaissent.

Depuis ce jour on célèbre chaque année le retour de l’union des peuples dans une gigantesque fête où Surde, Agle, Moé et Oni se retrouvent au centre du lac pour brandir un unique poing où est dessiné un sourire, le sourire des peuples.

 

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27th juillet 2009

Le Poète.

Salut !

Cette semaine je l’ai entièrement passée à l’Astrorama et samedi j’y ai même dormi. C’était fantastique et de plus nous avons rencontré l’astronaute Jean-François Clervoy.

Je vous poste donc cette semaine un conte en relation avec l’astronomie.

J’espère qu’il vous plaira,

Bye et bonne lecture.

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Le Poète.

     Il était une fois un poète vivant sur une petite planète où la nature, les arbres et les rivières étaient son unique compagnie.

Il n’avait pas le corps d’une femme ni celui d’un homme; c’était un poète et seuls ceux de son espèce comprennent l’étendue des possibilités que l’imagination peut conférer à leur corps.

L’entièreté de son temps était consacrée à l’écriture. Il écrivait sur la roche, sur la terre, sur les troncs des arbres et les pétales des fleurs; cependant il ne s’arrêtait jamais, même pour manger, car il est bien connu que les poètes ne se nourrissent que de la chair tendre des mots.

Un jour malheureusement, alors qu’il venait de terminer un poème et qu’il tournait sur lui même à la recherche d’un lieu encore vierge de tout caractère, il découvrit qu’il ne pouvait plus écrire. Chaque interstice, chaque pli, chaque fissure de sa petite planète était colorée de mots et il ne restait plus de place pour une seule phrase.

Il s’assit donc en tailleur sur un de ses nombreux poèmes et notre ami commença à réfléchir. Mais soudain, tandis qu’il avait perdu tout espoir de trouver la solution à son problème, une feuille vint nonchallemment s’échouer à ses pieds.

Le poète prit le fragment de nature dans ses mains et l’observa sous toutes ses coutures pour parvenir de nouveau à la triste conclusion que lui aussi était inutilisable.

Ce n’est qu’après quelques minutes que l’idée de lire le poème lui vint à l’esprit :

« Si dans la profonde nuit tu t’égares

N’oublie pas de lever ton regard. »

Obéissant à ses propres mots il leva alors la tête et ce qu’il vit le remplit à la fois de terreur et de fascination : le ciel était noir. C’est à ce moment précis qu’il trouva la réponse à son problème.

Notre ami comprit ainsi que s’il avait écrit sur toute sa planète il ne lui restait plus qu’à écrire dans le ciel.

Cependant, alors qu’il avait saisit sa plume, une nouvelle question se posa à lui : « Comment écrire dans le ciel si je ne peux l’atteindre ? »

Néanmoins cette fois-çi une feuille n’eut pas besoin de lui tomber dessus pour qu’il trouve la solution. Par un mystérieux procédé il transforma toutes ses histoires en grains de poussière, les rassembla dans ses mains, se pencha lentement vers elles et souffla.

Les phrases s’élevèrent dans les airs en tourbillonant avant de toucher le ciel et chaque mot de chaque poème se regroupa avec les siens pour former la grande, la belle histoire de l’Univers, celle qui ne finit jamais.

Certains de ces récits devinrent des étoiles car elles étaient brûlantes de passion, d’autres incompréhensibles et insaisissables des comètes ou encore la dureté de quelques uns les changea en pierre et les transformèrent en planètes telluriques.

Et durant tout ce temps notre ami riait de joie, de ce rire sonore et puissant, heureux de pouvoir enfin écrire à l’infini. Il paraît que l’éclatement de rire du poète aurait créé une violente explosion expulsant les éléments du ciel aux quatre coins de l’Univers et que, son rire se poursuivant toujours il éloignerait les galaxies, ses livres, de plus en plus les uns des autres.

 

     Certains Soleils s’éteignent en engloutissant leurs planètes et certaines histoires tombent dans l’oubli. Cependant de nouvelles étoiles et de nouvelles planètes naissent en permanence et le poète jette sans cesse plus de poèmes et de récits dans le ciel.

Chaque personne est une lettre, chaque famille un mot, chaque arbre une virgule et chaque colline un point. Nous faisons tous partis de la même histoire, une histoire écrite dans nos coeurs et dans le ciel.

 

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9th juillet 2009

Problème élémentaire

Salut,

Ce week end je l’ai passé à l’Astrorama et j’y ai même dormi (si on peut appeler cela dormir) ! On a repeint la boutique et bien sûr la moitié est tombée par terre… Le samedi matin, bien que m’étant couchée à 2h à 6h j’étais debout, et devant un magnifique lever de soleil m’a première réaction fut d’écrire un poème que je vous montrerai plus tard. Hier j’y suis encore retournée et cette fois-ci j’ai réalisé ma seconde animation, celle du lancement de fusée à eau !

Sinon aujourd’hui je vous présente un conte écologique, j’espère qu’il vous plaira.

Bye et bonne lecture.

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Problème Elémentaire.

    Il était une fois dans un recoin éloigné de l’Univers quatre petits personnages qui s’étaient soudain rencontrés dans l’espoir de s’unir : une brise, un bourgeon, une goutte et une étincelle. Cependant l’équilibre qu’avaient tenté de créer ces éléments fut très vite compromis. Il s’avéra ainsi que l’étincelle menaçait à chaque instant de s’éteindre, le bourgeon de se consumer et la goutte d’eau de s’évaporer.

Le temps fut alors stoppé pour leur permettre de réfléchir et le visage bleu de l’eau s’exclama de sa petite voix fluette : « Je croix que l’un de nous dois se sacrifier. »

Mais évidemment aucun son ne s’éleva et le silence perdura jusqu’à ce que le souffle du vent s’écria: « Non d’un ouragan ! Dépêchez-vous de vous décidez, je m’ennuie moi !

 - Choisis donc toi même, tu sais bien qu’aucun de nous ne pourra prendre parti… » répliqua le bourgeon avant que leur fragment d’Univers ne fut de nouveau plongé dans le mutisme.

 

    Un temps indéfinissable s’écoulait dans le calme et l’immobilité la plus complète quand apparu à l’horizon un être étrange aux apparences multiples.

L’étincelle voyait en lui un incendie, la goutte d’eau une cascade, le bourgeon un immense arbre et la brise une tornade.

Quand il fut arrivé à leur hauteur l’être s’arrêta et tous le contemplèrent; muets d’admiration.

« Mes salutations chers enfants. J’ai ouï dire à travers les galaxies que vous aviez arrêté le temps. Puis-je en connaître la raison ? »

Les quatres éléments expliquèrent alors leur problème de la manière la plus précise et détaillée qu’il soit avant de plonger une nouvelle fois avec fascination leur regard dans le corps magique de l’étranger qui s’était tourné vers l’étendue noire devant lui et semblait écouter une voix venue de nulle part et de chaque endroit, un chuchotement si tenue que seule la conscience pouvait le percevoir en son fort intérieur.

Après une longue délibération entre lui même et le chant de son subconscient, l’être se tourna vers les éléments le visage grave :

« Je pense avoir trouvé une solution néanmoins elle est dangereuse et ses conséquences incontrôlables…

 - Qu’importe, se sera toujours mieux que de rester dans l’état que nous sommes. Nous demandons simplement de grandir et de vivre en paix sans menacer la vie l’un de l’autre. » rétorqua l’étincelle tandis que chacun acquiessait vivement.

Face à cette requette l’incendie se tourna vers son enfant :

« Tu seras un coeur brûlant, un brasier vivant au centre de toute création ; tu seras l’énergie, la force et la volonté de tout être. »

L’arbre pivota ensuite pour faire face au bourgeon :

« Tu grandiras et tes racines grandiront jusqu’à être en mesure de couvrir le feu sous tes pieds. Tu seras un refuge de la passion et des émotions; tu seras un corps. »

La cascade fit alors volte-face et s’adressa en ces termes à la goutte d’eau :

« Reproduis-toi, divise -toi, multiplie toi ! Deviens des millions puis des milliards et prends le nom d’Océan.

Répends-toi où bon tes sembles, irrigues le bourgeon et ne craints plus le feu destructeur; des racines si épaisses vous sépareront que tu ne sentiras même pas sa tiède chaleur. »

Et alors que l’être avait faisait demi-tour et commençait à s’éloigner l’étincelle s’écria en sursautant :

« Mais si je souffre, si au fond de moi la haine se déchaîne et me consume, si la douleur est telle qu’elle me réduit en cendre et que je n’ai plus que la possibilité d’hurler ; à travers la muraille que formera le bourgeon, qui pourrait bien m’entendre pour me venir en aide ? »

La tornade arrêta alors sa marche et déclara tout en se retournant vers la brise, un sourire pointant sur son visage longitudinale :

« Vent; toi qui n’a ni corps ni frontière, toi qui ne craints aucun autre élément ; tu acquerras la fougue des tempêtes et tu iras, solitaire, de la surface lisse des mers et des océans au coeur de l’étincelle ; tu seras les yeux et la voix de tes amis.

Et si, pour une raison inconnue, l’un d’eux souffre et se meurt alors tu sonneras l’alerte comme tu sais si bien le faire ; tu murmureras aux gouttelettes d’eau, tu siffleras dans les feuilles des arbres et tu tonneras à travers les roches et les montagnes. »

La brise hocha alors la tête en signe d’acceptation, heureuse d’avoir enfin trouver sa place et son rôle au sein des autres éléments.

Lorsqu’il ne fut plus qu’un point à l’horizon, à peine visible par les éléments, une pensée effleura l’esprit du bourgeon, désormais devenue petite pousse , et il se hâta de la traduire en paroles :

« Etranger, qui es-tu donc ? »

A cette distance aucun son ne put lui parvenir mais au fond de lui même, dans une contrée encore ignorée de son âme, une voix sussurait : « La Vie… »

 

     Aujourd’hui ces quatres éléments et amis ont formés une splendide planète fourmillant d’êtres aussi différents les uns que les autres. Mais aujourd’hui le coeur de notre vieille étincelle a mal et bat de plus en plus lentement.

Aujourd’hui l’âme de cette planète pousse peut-être sa dernière plainte et le vent tente tant bien que mal de transmettre la douleur de son ancien compagnon.

Aujourd’hui la brise devient tempêtes, tornades, ouragans; la goutte tsunamis et le bourgeon tremblements de terre.

Aujourd’hui les éléments sont en colères et sur le pieds de guerre. Il suffirait pourtant de discuter ensemble pour trouver un compromis.

Mais malheureusement cela fait bien longtemps que les Hommes ont oublié la langue de la nature…

 

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16th décembre 2008

La tisseuse et le forgeron.

Salut !

Ce week end, comme je vous l’avais dit la semaine dernière, je suis partie à Paris. C’était merveilleux, j’ai l’impression d’avoir vécu une semaine entière au lieu de deux jours. Samedi à l’UNESCO j’ai participé à un débat sur "Résister et militer" et surtout j’ai vu et entendu Stéphane Hessel, (âgé de 91 ans !) qui a tenu un discours a l’assemblée des jeunes des clubs de l’UNESCO.

Dans le groupe l’ambiance était fantastique, alors je vous dit pas les fous rires dans le train couchette quand on était six. Malgré notre emploi-du-temps très chargé on a quand même visité la tour Eiffel et Notre-Dame-de-Paris et le retour a été rude.

Enfin bon, aujourd’hui je vous propose un conte que j’ai écrit durant les vacances de la Toussaint et que je viens de terminer de corriger après l’avoir montrer à ma prof de français.

J’espère qu’il vous plaira et n’hésitez pas à critiquer.

Bye et bonne lecture.

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La tisseuse et la forgeron

 

    Il était une fois, au milieu d’une immense forêt, un petit village dont le nom s’est perdu dans les âges.

Il était situé sur un surplomb découvert, si différent du reste du paysage, où fourmillait une multitude de petites maisons en chaume. Toutes avaient un jardin où poussaient des légumes et une magnifique allée de fleurs resplendissant de mille couleurs devant le portail.

Evidemment presque tous les villageois se connaissaient et beaucoup de familles n’en formaient en réalité qu’une.

En apparence ce village semblait ordinaire et ne méritait pas que l’on conta son histoire. Pourtant il était unique : il avait une tisseuse.


     La tisseuse était une vieille femme au teint blanchâtre et aux traits creusés que tous nommaient « Mère ».

Elle habitait sur la place du marché et lorsqu’elle sortait de chez elle c’était le dos voûté, ses cheveux gris masquant son visage et un panier au bras pour faire ses courses.

La tisseuse était la doyenne ainsi que la matriarche du village et tous la respectaient. Les sages racontaient qu’elle avait quatre cents ans mais nul n’en était vraiment sûr car jamais elle n’avait révélé son âge et aussi loin que les villageois s’en souvenaient ils l’avaient toujours connue une canne à la main et le visage marqué par le temps.

Parfois de jeunes couples venaient toquer à sa porte. Elle les faisait entrer et ils lui tenaient ces propos : « Mère, nous voudrions un enfant. »

Alors la vielle femme souriait de ce sourire qui sait tout et elle prenait leurs mains dans les siennes. Il lui arrivait quelques fois de rester ainsi des heures paumes contre paumes à écouter leur coeur qui sonnait sans cesse les cloches de la vie.

Lorsqu’elle en avait fini ses doigts venaient de nouveau se nouer derrière son dos et elle les congédiait.

On l’appelait la tisseuse de vie car le lendemain matin, au moment même où naissait le soleil, les rues du village s’emplissaient du cri perçant d’un nouveau-né et les heureux parents sortaient de chez eux en courant pour rejoindre leur enfant qui dormait désormais paisiblement dans les bras de la vielle femme.

Nul ne savait comment elle s’y prenait mais ils étaient habitués à côtoyer cette magie divine et ne s’en étonnaient pas car ils étaient tous nés dans la petite fabrique de vie de la tisseuse.

Cependant les compétences de la matriarche ne s’arrêtaient pas là car elle pouvait aussi soigner les blessures et guérir les maux.

Souvent elle voyait accourir dans sa demeure une foule d’habitants inquiets qui portaient leur confrère blessé.

La vielle femme ordonnait alors qu’on l’allonge sur le lit. Elle s’asseyait ensuite à ses côtés et sous le regard émerveillé de tous, ses petits doigts agiles commençaient à tourner autour de la plaie. Au début rien ne se passait mais petit à petit, sans que l’oeil ne s’en rende compte, la blessure rapetissait jusqu’à disparaître complètement, comme si la peau avait été recousue.


     Jours après jours le temps passait et jours après jours la tisseuse se faisait de plus en plus vieille. Elle décida alors de chercher un disciple à qui elle pourrait transmettre ses connaissances. Pour se faire elle demanda à ce que tous les volontaires se présentent à elle sur la place du marché à minuit le jour de la nouvelle lune.

C’est ainsi qu’à la date prévue une foule d’habitants vinrent entourer le bassin où était assise en tailleur la vielle femme.

Il y avait là des personnes de tout sexe et de tout âge qui n’attendaient plus que la doyenne prenne la parole.

Plusieurs minutes s’écoulèrent dans le silence le plus complet jusqu’à ce qu’un enfant, probablement le plus jeune, ne s’exclama impatient :

« Mais pourquoi Mère nous avez-vous fait convier en ce lieu en pleine nuit alors que nous avons froid et que nous n’y voyons rien ? »

Si toute la foule se tourna vers lui, la tisseuse, elle, ne bougea pas mais répondit dans un murmure :

« Mons fils, sache que la nuit est de loin la meilleure conseillère, que c’est dans l’ombre la plus totale que brille le plus la vérité et qu’avant d’essayer de connaître en plein jour les hommes et les femmes que vous êtes, il faut savoir reconnaître dans l’obscurité les animaux que nous sommes. C’est la nuit que nous révélons notre vraie nature. »

La tisseuse les aligna ensuite en deux colonnes et les fit se pencher au dessus du bassin. Chaque fois elle leur demandait : « Que vois-tu ? » et chaque fois les villageois répondaient: « Mon visage. ». Alors elle leur posait la question suivante : « N’y a-t-il rien d’anormal ? ». Et tous niaient.

Ainsi chaque personne passa au dessus du visage de l’eau et chaque fois la tisseuse les renvoya chez eux.

« Tu es aveugle. » disait-elle.

Lorsqu’il ne resta plus qu’une personne celle ci s’avança vers le bassin et s’arrêta devant la matriarche : « Bonsoir Mère. »

C’était un nain boiteux à la face déformé. Il parlait lentement comme si cela lui était difficile.

« Allez-vous en, vous n’êtes pas mon fils. » déclara la vieille femme.

Le petit homme la fixa un instant et elle soutint son regard.

« Votre vision s’est obscurcie Mère.

  -  Mais je peux encore voir votre visage. »

Alors le nain se détourna et repartit dans le noir.

     Les années passèrent, les enfants grandirent et les adultes vieillirent. La tisseuse se choisit un disciple et commença à lui enseigner son métier. L’apprenti n’était pas vraiment doué pourtant il s’intéressait.

La doyenne disait qu’à force d’entrainement il devrait arriver à soigner mais que jamais il ne donnerait la vie : il était aveugle.

Cependant le temps ne passe pas sans laisser de traces et parfois la poussière soulevée par son passage nous ensevelit plus vite que nous le croyons.

Un jour que la tisseuse soignait un malade, ses mains se mirent à trembler et elle blessa le villageois, ouvrant sur sa peau une plaie.

Pour cet homme brulant de fièvre la vie ne tenait plus qu’à un fil et la tisseuse coupa le fil.


     A la suite de cet événement tragique la vieille femme délégua ses fonctions de matriarche à son disciple et se cloîtra chez elle. Telle fut la phrase qu’elle prononça avant de refermer la porte de sa demeure devant une foule impuissante : « Vouloir aller trop loin c’est reculer. »

Les jours qui suivirent la retraite de la doyenne les habitants tentèrent d’agir normalement et de ne rien laisser paraître de leur anxiété. Tous comptaient respecter la décision de la tisseuse et les villageois allaient et venaient donc dans la maison du disciple, demandant conseils et soins. Mais derrière cette façade chacun se lançait des regards inquiets et une lourde atmosphère planait comme si le village était un deuil.

En réalité, toutes les bouches n’aspiraient qu’à poser une question : « Comment vont naître nos enfants ? »

Néanmoins nul ne la formula car cela aurait été reconnaître la situation critique dans laquelle ils se trouvaient et ils tentaient tant bien que mal de garder leur sang froid. C’est ainsi que s’écoula le premier mois et nul ne vint déranger la tranquillité de la vieille femme.

Mais au bout du trente-deuxième jour d’absence survint ce que tous redoutaient en silence : la preuve.

Dans la nuit, éclairé par l’unique scintillement des larmes de ses parents mourut le premier enfant.

Alors des cris de tristesse et de peur emplirent le village surpassant ceux des mourants et le lendemain le disciple tombait malade.

C’était le début de l’épidémie la plus meurtrière de l’Histoire et la plus contagieuse car elle se transmettait par le simple regard. Elle portait à cette époque le nom de désespoir.

Les villageois comprirent par la suite que c’était de cette maladie dont était victime la tisseuse de vie et qu’elle se répendait plus vite que nul ne l’eut imaginé.

Quelques jours plus tard la folie gagna les habitants affaiblis et ils se mirent à courir dans les rues en hurlant que la mort était proche. Certains fuirent avec leur famille dans la forêt et la plupart vinrent devant la porte de la matriarche supplier son aide à genoux mais elle répondit seulement :

« Partez. Cette maladie est inconnue et jamais je n’ai appris à la guérir. »

Ce fut alors pour le village la fin de tout espoir et les habitants se cloisonnèrent chez eux pour attendre patiemment la délivrance.

Pourtant, alors que le village avait sombré dans le silence et dans l’immobilité, si l’on tendait bien l’oreille il résonnait dans les sombres ruelles un bruit.

Au loin dans un petit atelier en bordure de la forêt travaillait un forgeron et l’éclat de son fer illuminait d’espoir le frêle entrepôt tandis que son marteau frappait le mortel ennemi.


     Une semaine passa, puis deux, et à l’aube de la troisième alors que les habitants avaient renoncé à sortir de chez eux pour se nourrir; il apparut au milieu de la place un nain.

Quelques têtes étonnées sortirent par les fenêtres et même des enfants se risquèrent à l’extérieur pour s’approcher timidement de l’étrange homme boiteux dont le sourire éclairait son visage déformé.

Ce dernier s’avança vers la maison de la tisseuse de vie accompagné désormais d’une foule d’habitants curieux. Arrivé devant la petite porte il s’arrêta et toqua. Le village retint sa respiration.

« Qui est là ? » demanda une voix fébrile à l’intérieur de la demeure.

« Je suis le forgeron d’espoir et je viens, Mère, vous remettre vos armes. »

Le nain s’accroupit alors et il glissa sous la porte deux baguettes à tisser qui resplendissaient sous les rayons du Soleil levant.

De nombreuses minutes s’écoulèrent dans ce calme pesant avant que la poignée ne s’abaissa laissant entrevoir le visage fripée mais rayonnant de vie de la tisseuse.

«  Mes enfants, veuillez je l’espère pardonner la vieille femme que je suis de l’élan de peur et de doute qui m’a il y a plusieurs mois assailli me faisant prisonnière de mes propres craintes.

Mais ne vous inquiétez pas que je suis guérie et je vais de ce pas réparer ma négligence. »

Alors pour la première fois les villageois connurent la lumière, la vrai, non cette froide et lointaine chaleur que leur procurait le Soleil.

La vieille femme ouvrit grands les bras et sous la clarté magique de la vie et de l’espoir elle se mit à briller de mille feux révélant à tous la jeune fille qu’elle avait été autrefois.

Et lorsque la luminosité atteignit son apogée et qu’elle devint aveuglante une vague de chaleur déferla sur la foule, consumant les douleurs et emportant les larmes sur son sillage.

Pour la première fois les villageois connurent le jour.

 

     Dans la nuit qui suivit la guérison tous les habitants dormirent l’esprit léger et nul n’entendit la porte grincer. Seules les étoiles virent la matriarche sortir de chez elle et s’avancer silencieusement à travers les ruelles.

La tisseuse de vie savait où elle allait et elle ne s’arrêta que lorsqu’elle fut arrivée à l’orée du bois sur le seuil d’une forge endormie.

Alors la nuit qui voit tout vit dans le coeur de la vieille femme et elle sut.

Dans l’ombre d’une petite maison elle assista de nouveau à la naissance d’un enfant s’étant déroulée des dizaines d’années auparavant.

Elle vit la doyenne prendre dans ses mains l’obscurité et lui tisser de ses doigts agiles un manteau de lumière.

Mais surtout, ce que la nuit vit et ce que la nuit retint fut le visage de l’enfant.

Sur un être pas plus grand qu’une paume de main avait été gravée la laideur du monde. Sa bouche était déformée, son nez aplati et sa peau couverte de taches noires.

Si la nuit se laissa attendrir par cet enfant que bientôt son voile noir devrait dissimuler au regard des autres, la tisseuse fut effrayée du monstre qu’elle avait créé et l’enroula dans des draps blancs avant de sortir et de donner cette créature à la nuit en prononçant ces paroles :

« Toi qui vois et toi qui sais, cet enfant est l’incarnation du mal. Prends le et fais-en ce que tu voudras. »

Alors elle le déposa à l’angle d’une ruelle puis partit.

Mais la matriarche avait oublié que la nuit était sourde et que ce discours était bien futile car dès la naissance de l’enfant l’ennemi du jour avait vu s’emplir de larmes et de culpabilité le coeur de la vieille femme. C’est pourquoi, avant que la tisseuse ne l’eut demandé, la nuit avait déjà promit en silence de s’occuper du petit.

Désormais que la doyenne était revenue à l’endroit précis où elle avait abandonné le bébé, la nuit s’étonna des quelques coups que la porte de la forge reçut.

Un nain boiteux vint ouvrir, celui là même qui était apparu sur la place du marché quelques heures auparavant.

Son visage restait de glace et la tisseuse prit alors la parole :

« Vous nous avez sauvé moi et le village alors que jamais nous vous avions aidé. Et tandis que tous avaient perdu espoir vous n’avez pas baissé les bras. Pourquoi ? »

Le petit homme la regarda puis sourit :

« J’espérais au fond de moi qu’un jour je puisse devenir votre disciple et que vous puissiez me guérir du mal qui me ronge. »

La vieille femme acquiesça :

« Si tel est votre souhait alors il sera exhaussé. »

C’est ainsi que la tisseuse de vie prit la main du nain dans la sienne et alla raccommoder en son sein le filament d’existence détruit.

Alors il apparut devant la matriarche étonné le plus bel homme qui soit et elle comprit qu’elle avait sans le vouloir relié le fil de la beauté du corps, auparavant détaché de la toile de vie, au fil de la beauté du coeur.


     Une heure à peine après la miraculeuse transformation du forgeron ce dernier et la tisseuse étaient assis sur le bord du bassin situé au centre du village.

« Vous m’avez dit que vous vouliez devenir mon disciple, soit. Mais il faut avant toute chose que vous passiez une épreuve. »

C’était une nuit sans lune et nul vent n’agitait la surface tranquille du bassin. Le temps semblait figé et seul l’imperceptible mouvement de tête de l’homme démontrait le contraire.

« Penchez-vous au dessus du visage de l’eau. »

Le forgeron s’exécuta.

« Que voyez-vous ?

-Rien. »

Un léger sourire apparut dans l’obscurité :

« C’est à dire ? »

L’homme réfléchit un moment avant de répondre avec précision :

« Je ne vois qu’un halo de lumière, le reste m’est invisible. Pourquoi ? »

Dans les rues pas une lanterne ne brillait, pas une lampe ne scintillait, c’était le noir.

La tisseuse se pencha elle aussi au dessus du bassin, posa sa main sur l’épaule du forgeron et déclara: « Félicitation, vous voyez la vie. J’ai l’honneur de vous nommer disciple de la tisseuse de vie…mon fils. »


     Des dizaines d’hommes et de femmes s’étaient un jour penchés au dessus du bassin mais tous n’avaient vu que leur visage, obnubilés par leur simple personne.

Cependant le forgeron d’espoir était différent et pour lui la vie que reflétait le miroir de l’eau ne s’arrêtait pas à un simple visage, car être différent c’est voir la vie différemment.

Cet homme que tous repoussaient n’était munis ni de beauté ni d’argent et n’avait qu’une petite forge pour vivre. Pourtant de tous c’était le plus riche : il possédait l’espoir.

S’il existait deux mains, l’une nommée Espoir et l’autre Vie, seules elles seraient infirmes car elles ne pourraient à la fois tenir et agir.

Pour concevoir elles doivent être deux.

 

 

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21st août 2008

Le gland qui voulait devenir grand ! (6° partie et dernière)

Salut !

« Pourquoi elle poste ? D’habitude c’est toute les deux semaines… » vous dîtes vous peut-être. Mais voilà, pour un jour particulier, un article spécial. Je vous montre alors la fin du gland (au sens propre ou figuré, à vous de voir en lisant…).

Cette semaine j’ai fait de la plongée et ce matin j’ai obtenu mon dauphin d’or et ma qualification palanquée !

Hier je suis allée à une conférence d’astronomie, ça faisait longtemps, ça me manquait… Et lorsque minuit arriva et que l’on passa du 20 au 21 août, une pensée me trottait dans la tête : j’ai quinze ans !!

Bonne lecture !

Bye

  1. 1ere partie
  2. 2nd partie
  3. 3eme partie
  4. 4eme partie
  5. 5eme partie
  6. 6eme partie

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Le gland qui voulait devenir grand ! (6° partie et dernière)

    Pendant qu’une petites poignées d’hommes, de femmes, d’insectes, d’animaux, meurt; des milliers naissent, et des milliards vivent sans rien savoir la plupart du temps de ce qui ce trame autour d’eux. A chaque minute, des milliers de gland tombent de leur arbre en rendant leur dernier souffle. A chaque minute, des milliers d’arbre tombent, tuant des milliers de gland. Mais ils sont tellement nombreux que le plus souvent on ne leur accorde même pas une pensée, même pas un Adieu.

    Notre petit héros était là, étendu sur le sol, sans vie, tel des millions de feuilles, tel des milliards de gouttes d’eau s’étant jetées à corps perdu hors de leur nuage.

Heureusement lui, cet enfant, il avait eut le droit à son Adieu, cet instant d’attention semblable à celui que l’on accorde à un bébé avant qu’il ne s’endorme. C’était exactement la pensée qu’avait en ce moment l’abeille, assise aux côtés du gland, en deuil.

Elle pleurait. De petites larmes qui couvraient le sol telle la rosée du matin. Oui; même les abeilles pleurent. On ne le remarque jamais, mais elles savent pleurer. Les pierres aussi pleurent quand on les piétine. Certains diront qu’elles n’ont pas de coeur, que c’est impossible. Mais elles pleurent. Des copeaux de roche très vite emporté par le vent.

Et le sable? Direz vous, pleure-t-il telle les abeilles ? Eh bien non. Le sable ne pleure pas. Il n’est que les larmes des pierres, arrosées de temps à autres, gonflés par la tristesse et le chagrin de certaines abeilles.

Il commençait à faire nuit. L’insecte se leva alors et déplia ses courtes ailes, prêtes à reprendre son envol. « Pas Adieu cette fois mon p’tit. Non; Au revoir. »

 

    Il pleuvait fort et le vent tourbillonnait rendant la tâche des quelques personnes présentes autour du gland encore plus pénible. Il y avait là une araignée, un peu en retrait des autres, qui maudissait le ciel et le rendait responsable de la scène qu’elle avait sous les yeux. Tous la regardaient, étonnés par ses gestes et ses paroles incompréhensibles.

Dans cette petite assemblée rassemblant toutes les personnes que le gland avait rencontré durant son aventure, seul deux papillons se connaissaient. C’était visiblement un couple car ils rayonnaient de bonheur au simple regard de l’autre.

L’un d’eux, sa compagne au bras, discutait avec l’abeille : « Tout est de ma faute…si seulement j’avais su. Quand je suis sorti de mon cocon, je m’attendais à voir le gland assis près de moi tel je l’avais…. » Il ne termina pas sa phrase, un sanglot le parcourant. Sa femme le serra contre elle avec affection : « Ne t’inquiète pas mon chéri, tu n’y es pour rien. Tu ne pouvais pas imaginer qu’une mouche serait capable de…de le…enfin tu me comprends…. « 

L’abeille coupa court à leur lamentations : « Alors mon grand, comment-t’en es tu sorti ?

  • Je ne sais pas vraiment, j’ai juste une vague idée.Vois-tu, quand je me suis réveillé, je n’étais plus accroché à la branche, comme j’aurai dû l’être, mais mon cocon était appuyé sur la dépouille d’une mouche. Je ne sais pas comment c’est arrivé, mais je crois bien que c’est moi qui l’ai tuée. »

Sa compagne déclara ensuite : « Je n’ai pas eu la chance de connaître ce gland mais je lui dois beaucoup. Sans lui, jamais je ne t’aurais connu mon amour. » Elle embrassa alors son mari tendrement.

 

    La nuit était tombée et le groupe n’était éclairé plus que par les lueurs de la Lune. Depuis le début de l’après-midi où avait été fixé le rendez-vous, tous n’avaient fait que reporter, par des raisons parfois saugrenues, l’heure où ils devraient enterrer leur ami. Mais les choses, aussi douloureuses soit-elles, doivent être accomplies, que ce soit un peu plus tôt ou un peu plus tard.

Chacun prit une grande bouffée de l’air frais du soir et réunirent tout leur courage pour les tâches respectives qu’ils devaient accomplir.

Tout d’abord l’ Araignée embauma de son fil divin la dépouille de l’enfant.
Ensuite les trois autres compères élevèrent le gland dans les cieux, battant vigoureusement de leur courtes ailes, puis le déposèrent dans la petite fosse conçue à cet effet.

Finalement, chacun jeta un morceau de terre dans le trou, recouvrant petit à petit le corps blanc et froid de leur ami.

La Lune était au dessus d’eux et semblait veiller sur cette petite troupe. Soudain une étoile filante passa dans le ciel. Etait-ce les larmes de notre satellite ?

 

    Chaque héros a le droit à la reconnaissance.

Chaque héros, aussi petit soit-il, reste dans notre mémoire.

Et si un héros a un grand coeur, empli de compassion et d’amour, alors son corps aussi deviendra grand.

 

    Il était une fois un grand chêne…

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14th août 2008

Le gland qui voulait devenir grand ! (5° partie)

Salut !

La semaine dernière je suis partie à Marseille, c’était super. Malheureusement c’est fini et me voilà de retour chez moi avec un livre d’anglais à lire…même en vacance on a des devoirs, c’est incroyable !

Je vous montre aujourd’hui la 5° partie du conte. J’espère que ça vous plaira.

Bye et bonne lecture !

  1. 1ere partie
  2. 2nd partie
  3. 3eme partie
  4. 4eme partie
  5. 5eme partie
  6. 6eme partie

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 Le gland qui voulait devenir grand ! (5° partie)

 

    Le gland avançait au rythme de la chenille, c’est à dire millimètre par millimètre. Au bout d’une demi-heure ils arrivèrent au pied d’un petit arbre, un mimosa qui avait plutôt la forme d’un buisson bien touffu couvert de petites fleurs jaunes tel la galaxie de soleils.

Au sol il n’y avait rien : Le vide naturel. Seul trois brins d’herbe recouvraient la terre nue. Le gland n’aimait pas cela, ce désert, ce débris de vie l’effrayait. Instinctivement il fit un pas en arrière. La chenille se retourna et regarda l’enfant les sourcils froncés :

« Qu’y a-t-il ?

  • Rien … rien. »

Le gland dévisagea l’arbre de bas en haut et murmura avant de s’élancer à l’assaut du tronc aidé par la chenille: « Finissons-en. »

 

    L’ascension terminée, la chenille se pendit la tête en bas à une branche basse tandis que le gland s’asseyait sur cette dernière. L’enfant observa le paysage autour de lui. Cela faisait un moment déjà qu’il n’avait plus bénéficié de la protection d’un arbre ni du bonheur de dominer le monde de sa petite taille et ce souvenir lui arracha un léger sourire. La chenille se balançait selon son bon vouloir en admirant, l’air béa, l’ange multicolore qui s’était posé sur une pierre grisâtre pour chauffer ses ailes aux doux rayons du soleil.

« Qu’attends-tu ? S’exclama le gland, impatient.

  • Je profite de mes derniers instants de vie. Peut-être ne la reverrais-je plus jamais … »

Une larme glissa et chuta sur le sol aride arrosant ce désert d’un peu de tristesse. Le gland se rapprocha de son ami :

« Ne dis pas de telles choses je t’en prie. J’ai dit que je t’aiderai et je le ferai. Je sais que je ne suis qu’un enfant impulsif et entêté, mais pour une fois, regarde seulement l’ami qui est en face de toi : Fais moi confiance. »

La chenille d’une petite pulsion se redressa :

« On dit qu’aimer donne des ailes; je l’espère. Mais si je viens à ne jamais me réveiller je voudrais te remercier pour tout ce que tu as fait. Sache que je ne t’oublierai jamais : tu es un gland en or. »

Le sourire de l’amoureux disparu alors lentement derrière le voile du cocon que la chenille tissait, résignée.

 

    De nouveau l’enfant se retrouva seul. Son regard se promena dans la nature. Il tomba tout d’abord sur le rondin où il avait rencontré son ami puis il remonta le chemin jusqu’aux restes de la fleur que lui et l’abeille avait saccagée. Que devenait-elle ? Finalement ses yeux s’égarèrent sur la toile de l’araignée littéraire qui retint son attention. Où pouvait-elle bien se dissimuler en l’attente d’une future proie ?

Tandis que son esprit retournait progressivement à son corps, son regard passa sur un chêne :

« Maman … un gland en or, tu as entendu ? C’est grâce à toi. Si je n’avais pas sauté je serais resté un enfant égocentrique et fénéant. Il y a néanmoins quelque chose qui m’échappe. Je pense avoir grandi mentalement et avoir attendu assez longtemps, mais Maman, c’est quoi un « but »?

Soudain le vent se leva et l’enfant se recroquevilla sur lui même pour ne pas avoir froid. Un instant il crut entendre sa mère lui répondre mais bien sur se dit-il, c’était impossible.

Le gland était fatigué, une journée entière qu’il n’avait pas fermé l’oeil, lui qui, d’ordinaire, aimait tant cela. C’est alors qu’il se souvint de sa promesse : surveiller. Il regarda autour de lui : Rien.

Il souffla, soulagé. Mais au même moment il perçut un grésillement. Il leva brusquement la tête et scruta l’horizon, inquiet : une mouche arrivait.

Elle n’était pas très grande, de la taille du gland tout au plus et sa figure était mangée par deux grands yeux rouges rivés sur le mimosa. Elle avait des ailes translucides très fines qui la propulsait au devant de l’enfant. Ce dernier se leva sans attendre, arracha à la branche un petit bout de bois de la taille d’un cure-dent qu’il agrippa à l’aide de ses deux mains. La mouche fonçait vers l’arbre à pleine vitesse. Elle n’avait pas encore remarqué le gland posté sur la branche tel un chevalier brandissant son épée. Quand elle le vit il était trop tard.

 

    La vitesse était trop grande et le vent dans son dos trop puissant. Elle tenta de freiner. Baissa les ailes. L’enfant était devant elle, et la considérait comme une ennemie : elle voulait pondre ses oeufs dans le cocon. La mouche tenta de dévier sa trajectoire, d’éviter le choc. Elle ne le pu.

Tel un chevalier combattant un puissant dragon, le gland, armé de son épée, transperça les ailes de l’insecte de part en part. Puis, d’une détente prodigieuse l’enfant, roula à l’extrémité de la branche pour éviter l’insecte qui alla s’encastrer dans le cocon faisant tanguer dangereusement ce dernier.

Le gland respira profondément afin de calmer les battements de son coeur qui, en ce moment ressemblait plutôt à un marteau-piqueur.

Pour la mouche, le choc aurait dû être mortel, mais les mères disposent d’un bouclier capable de les protéger aussi bien du froid que de la faim ou de la douleur, tant qu’elle porte leur enfant. Certaines seraient prêtes à tout pour sauver leur progéniture. La mouche était de celle là. C’est pourquoi elle se releva et se tourna vers le gland, cette chose infime qui avait failli la tuer, elle et ses oeufs. En réalité ni l’un ni l’autre ne combattait pour sa propre vie ; la mouche pour ses enfants, le gland pour son ami. Néanmoins, tout deux étaient animés par la même force : l’amour.

    D’une brusque initiative l’insecte projeta tout son corps en direction de l’enfant. Le boulet de canon arriva sur notre héros sans prévenir et manqua de le faire passer par dessus bord. Il se retint vaillamment à la branche, sa coquille pendant dans le vide. De nouveau il se hissa sur le rameau et fit face à la mère.

Dans sa chute il avait perdu son épée et il fallait se rendre à l’évidence : c’était peine perdue de combattre une mouche à main nue. Mais il n’abandonnerait pas, jamais.

 

    Il était sur ses gardes, n’osant pas détourner son regard de peur qu’une attaque surprise ne le prenne à revers. La mouche était à moins d’un centimètre de l’enfant et se rapprochait dans l’espoir de le coincer, mais ce dernier, effrayé, reculait sans cesse.

Soudain il rencontra quelque chose derrière lui qui se mit à bouger. Instinctivement il fit volte-face pour voir ce que c’était : le cocon.

Trop tard. Grossière erreur.

D’un puissant coup de patte la mouche déstabilisa l’enfant. Il ressentit une violente douleur, ses pieds qui glissaient, le bruit inconnu de quelque chose qui se casse, le cri de l’insecte, et soudain : plus rien.

Le gland tombait.

Il tombait à une vitesse phénoménale.

Il tombait tel il l’avait fait chaque fois.

Il tombait, emporté par son poids.

Il tombait sans pouvoir s’arrêter.

 

    C’était la troisième fois mais c’était une « fois » très différente. C’est vrai; si l’on comparait les phénomènes scientifiques et naturels, cette chute était semblable aux autres en tous points. Mais pour que la comparaison soit totale, il faudrait également prendre en compte un autre critère que l’on appellerait : phénomènes du coeur.

Cette fois-ci, le gland ne tombait pas à l’aveuglette. Au fond de lui il savait tout; il savait ce qui l’attendait. Il savait qu’au sol il n’y avait rien pour stopper sa chute, que ce n’était qu’un désert où viendrait bientôt se mêler ses ossements.

Il savait qu’il avait échoué dans sa tâche, que la chenille allait périr par sa faute, par son manque de prudence, parce qu’il avait fait une promesse qu’il ne pouvait pas tenir.

Mais surtout, il savait qu’il ne reverrait jamais plus ses amis; la chenille, l’abeille, l’araignée…et sa mère. Il était toujours dans les airs et n’avait pas encore touché le sol mais déjà ça lui faisait mal, plus mal que la fissure dans son dos, plus mal que tout.

 

    Le sol se rapprochait inévitablement et même si le gland savait tout, cela ne l’empêchait pas d’avoir peur. Il ferma les yeux. L’enfant avait imaginé une mort brutale, rapide, mais il en fut tout autre.

Il tomba au sol dans un bruit mat que seul la nature put percevoir. Dans son dos, telle une lâche attaque, sa fissure s’ouvrit laissant échapper la vie.

« Je vais enfin pouvoir dormir…une grasse matinée à n’en pas finir. »

Tandis qu’il sombrait lentement dans le sommeil, une légère brise caressa son corps.

Se rappelant sa mère il murmura dans un dernier souffle de vie : « Maman…tu sais…j’ai enfin trouvé mon but : protéger ceux que j’aime. »

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